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MAFIA

Fréquemment utilisé, le terme mafia souffre cependant d'un déficit global de définition. L'origine est assurément sicilienne, le mot venant du dialecte palermitain, et observer Cosa nostra est indispensable à la compréhension du phénomène. Pour autant, les aspects étymologiques et historiques ne doivent pas faire oublier la réalité du système mafieux : loin de l'image romantique divulguée par le cinéma, la mafia est avant tout un acteur économique et social riche et puissant aux activités multiples. C'est cette emprise particulière sur la société qui fait que la mafia se distingue de la criminalité organisée standard. La mafia n'existe que par la combinaison de certaines caractéristiques précises. Or, si cette combinaison ne se limite pas au cas sicilien, elle ne se retrouve que rarement de façon aboutie.

Le modèle historique : la mafia sicilienne

Traits culturels spécifiques

Bien avant d'avoir un nom particulier, comme élément de la conscience populaire d'abord, puis comme esprit associé à l'évolution du système féodal, la mafia était en puissance en Sicile. Ce phénomène se rattache à l'évolution des formes sociales et romanesques du banditisme et se comprend dans l'histoire de la criminalité.

Le héros populaire et la loi

Tout d'abord s'est élaboré le mythe du bandit héros populaire. Cette attitude se retrouve dans l'expression : uomo d'onore (homme d'honneur), appliquée au mafioso. On voyait en lui l'homme « capable de connaître le juste et disposant de tous les moyens de l'imposer même aux plus puissants ». En Italie, cette perception du bandit a été plus durable qu'ailleurs. Face à la tyrannie des princes et des seigneurs, l'esprit de résistance habituait à vivre illégalement.

Cette façon de distinguer entre la loi officielle et le patriotisme, ou plus tard la classe sociale, est l'un des traits fondamentaux de la conscience sicilienne, élaborée à travers deux mille ans de la plus tourmentée des histoires, comprimée dans le cadre d'une île, placée au cœur même des routes impériales méditerranéennes ; la situation géographique de la Sicile explique un peu son histoire. Dans le Mezzogiorno, le brigandage était perçu comme une forme élémentaire, fruste et individuelle de révolte sociale. En Sicile, la fonction, en quelque sorte sociale, du banditisme a donc, pour des raisons historiques, duré plus qu'ailleurs.

L'esprit de mafia repose sur la conviction qu'on doit avoir le courage de s'opposer, en cas de besoin, à la loi, pour imposer son destin personnel, son ascension sociale.

Cette perception s'est renforcée par l'image du pauvre chevalier-bandit ou du serf-bandit. La conscience populaire y exprimait son besoin de mobilité sociale. Le bandit chevaleresque pouvait devenir un prince.

Formation de l'esprit de mafia

Le besoin d'ascension sociale s'est manifesté par la suite dans le comportement de certains mafiosi qui cherchaient soit à s'ériger en classe bourgeoise, soit à s'emparer de la fonction aristocratique, perçue comme « possibilité d'user de la force à titre privé ». Ainsi le système féodal maintenait en vigueur des modèles sociaux basés sur l'arbitraire, la violence et l'audace.

Le banditisme ne pouvait naturellement pas devenir un processus social. Tout d'abord, l'esprit de mafia était surtout hyperindividualiste et adoptait purement et simplement l'adage : « Qui veut la fin prend les moyens. » Les mafiosi représentaient un net progrès sur « l'explosion immédiate et élémentaire qu'est le brigandage ». Le mafioso n'a pas tardé à se présenter, non plus comme un vengeur ou un justicier, mais comme un conciliateur, le fameux uomo d'onore, que l'on savait disposé à aller jusqu'au bout pour atteindre le but choisi.[...]

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Écrit par

  • : docteur en économie, maître de conférences à l'université de Paris-VIII
  • : professeur de criminologie.
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Durant la prohibition - crédits : Ben Shahn/ Hulton Archive/ Getty Images

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