MAFIA
Une réalité économique et sociale
Sur les territoires qu'elle contrôle, la mafia s'impose à tous en tant qu'acteur économique et social incontournable. Vivre en terre de mafia, c'est vivre, bon gré mal gré, avec la mafia qui s'impose en système omniprésent, parfaitement structuré et polyvalent. Intermédiaire, entrepreneur, la mafia ne se limite pas à l'illégalité mais investit durablement l'économie légale et gère un véritable empire économique, source de pouvoir et de richesse. En 2008, la Confesercenti, association des entrepreneurs, commerçants et artisans italiens, a estimé le chiffre d'affaires de la mafia à 130 milliards d'euros et son bénéfice à 70 milliards.
L'intermédiation, cœur de l'activité mafieuse
L'activité de base du mafieux est l'intermédiation. Elle implique un positionnement visible du mafieux dans la société sous son contrôle. Même en cavale, le mafieux reste en contact avec son territoire et il est fondamental que la population puisse lui faire parvenir ses éventuelles requêtes. Cela traduit bien le degré d'enracinement du système mafieux.
L'intermédiation remonte aux débuts de l'existence de la mafia et préfigure ce que Diego Gambetta appelle « l'industrie de la protection ». Au départ, les mafieux se sont fait connaître sur les marchés de gros où ils proposaient leurs services aux acheteurs et aux vendeurs afin de garantir les transactions dans un contexte où les contractants se faisaient difficilement confiance. Cette garantie mafieuse était rémunérée et a favorisé l'instauration d'un système où la confiance ne régnait toujours pas et où les mafieux devenaient nécessaires à la conclusion d'une affaire.
Par la suite, les mafieux ont étendu ces pratiques en se positionnant comme des juges de paix offrant leurs services pour régler des différends à la place de la justice officielle. Dans des territoires où les forces de l'ordre sont considérées comme inefficaces voire arbitraires, l'offre mafieuse d'intermédiation a rapidement trouvé sa place et fait que, encore aujourd'hui, il n'est pas rare que des non-mafieux s'adressent au chef mafieux de leur quartier pour résoudre un conflit. Généralement plus rapide que celle des institutions, et, si besoin est, expéditive, la justice mafieuse a cependant pour conséquence de faire entrer l'individu demandeur dans les filets de la mafia, dont il devient redevable.
La mafia s'impose aussi dans sa fonction de médiateur en s'interposant entre les citoyens et différents services dont elle verrouille l'accès. Ainsi, par exemple, en Sicile, il est ardu de trouver une place en crèche, en maison de retraite ou autre sans être « recommandé ». Le dévoiement du système vient de ce que la mafia ne crée pas ces services mais en réglemente pourtant l'usage.
Activités légales et légitimité sociale
L'infiltration mafieuse dans l'économie légale n'est en rien anecdotique et représente pour toute mafia un enjeu considérable. L'intermédiation permet aux mafieux de disposer d'informations essentielles sur les affaires et le fonctionnement des entreprises. Dès lors qu'il devient possible, en régime capitaliste, de détenir des droits de propriété sur des entités productives, les mafieux vont s'emparer d'entreprises à l'activité légale, faisant de l'organisation, pour reprendre les termes de Pino Arlacchi, une « mafia entrepreneuse ». Ainsi, la mafia crée ou s'empare d'entreprises déjà existantes. Cette dernière option recourt à la fragilisation (par des prétentions excessives de racket ou par le sabotage de l'activité) de l'entreprise convoitée ; les difficultés financières facilitent alors l'entrée de fonds mafieux dans le capital de l'entreprise saine ; les mafieux prennent possession de l'entreprise en remplaçant[...]
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Écrit par
- Clotilde CHAMPEYRACHE : docteur en économie, maître de conférences à l'université de Paris-VIII
- Jean SUSINI : professeur de criminologie.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média
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