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TAGLIAFERRO MAGDA (1894-1986)

Cette « ambassadrice de charme du gouvernement français » appartenait à une certaine légende du piano. En France, elle était certainement moins connue côté scène que côté salle où sa chevelure rouge, ses décolletés profonds et ses tenues peu banales passaient rarement inaperçus. Mais, dans l'ensemble de l'Amérique latine, elle était devenue le véritable symbole du piano français, incarnant la tradition de Cortot et attirant auprès d'elle d'innombrables élèves (Cristina Ortiz, Daniel Varsano...), dont certains ont fait carrière — pas toujours en fonction de leurs mérites musicaux, d'ailleurs.

Née au Brésil, à Petrópolis, le 19 janvier 1894, Magdalena Tagliaferro apprend très tôt le piano avec son père et commence une carrière d'enfant prodige. Elle travaille avec Antonin Marmontel au Conservatoire de Paris, où elle obtient un premier prix de piano en 1908, l'année même de ses débuts parisiens, salle Érard. Puis elle devient l'élève d'Alfred Cortot, « pour le restant de ses jours » au point de maintenir vivants à un degré extrême les qualités et les défauts du maître : virtuosité précise, sens du rubato parfois excessif et merveilleuse habileté à masquer des trous de mémoire qui devenaient de plus en plus fréquents. Particulièrement à l'aise dans le répertoire français, elle y fait preuve d'une sensibilité et d'un goût qui seront en quelque sorte le contrepoint du maniérisme de Marguerite Long et de ses disciples. Elle aussi avait connu Claude Debussy ; elle avait joué à deux pianos avec Gabriel Fauré et contribué à faire connaître leur musique dans le monde entier. Elle joue avec le Quatuor Capet, avec Jacques Thibaud et Pablo Casals. Reynaldo Hahn lui dédie son Concerto pour piano, qu'elle enregistre sous sa direction, comme le Concerto K. 482 de Mozart.

En 1940, le gouvernement français l'envoie aux États-Unis afin d'y assurer la propagande de la musique française. Elle passera les années de guerre au Brésil, où elle joue dans l'ensemble du pays et se consacre à l'enseignement, période que les musiciens brésiliens évoquent encore sous le nom de « révolution Tagliaferro ». Au répertoire français, elle ajoute un second cheval de bataille, la musique du compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos, qu'elle avait connu à Paris entre les deux guerres et qui compose plusieurs œuvres à son intention (Momo precoce). De retour en France, elle fonde en 1957 un concours international de piano qui porte son nom et donne régulièrement des cours publics d'interprétation à partir de 1959. Pendant trente-neuf ans, elle refusera de jouer aux États-Unis avant de se laisser convaincre par un article du célèbre critique new-yorkais Harold Schonberg : elle débute triomphalement à Carnegie Hall en 1979, éclipsant les succès de Vladimir Horowitz.

Avec elle s'est éteinte une génération de pianistes qui a joué un rôle charnière entre deux époques, regardant parfois un peu trop vers le passé pour maintenir une tradition qui volait par ailleurs de ses propres ailes. Mais peut-on reprocher une fidélité excessive ?

— Alain PÂRIS

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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