TROCMÉ-GRILLI DI CORTONA MAGDA (1901-1996)
Disparue le 10 octobre 1996, deux ans après que La Colline aux mille enfants de Jean-Louis Lorenzi eut recréé pour la télévision le sauvetage de nombreux enfants juifs réussi à partir du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), Magda Trocmé restera au petit nombre des Justes dont le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem et le musée de l'Holocauste à Washington perpétuent la mémoire.
Née à Florence le 2 novembre 1901, Magda Grilli di Cortona était issue d'une famille aux idées sociales avancées. Mariée en 1926 au pasteur André Trocmé, avec qui elle prit ensuite toutes ses décisions, elle s'installa au Chambon en 1934. Enseignante, elle aida son mari à y fonder le Collège cévenol en 1938. Proches du pasteur Henri Roser, ancien officier durant la Première Guerre mondiale devenu l'inspirateur des objecteurs de conscience, ces adeptes de la non-violence et d'une résistance spirituelle sont intrinsèquement résistants avant même que le nazisme ne soit à l'œuvre en France. L'accueil au Chambon d'Arméniens et d'Espagnols, le souvenir du soutien des huguenots aux prêtres réfractaires en 1792 prédisposent la population à rejeter l'idée que la France doive être « purifiée » des étrangers qui y ont trouvé un asile.
De son épouse, André Trocmé put dire : « J'ai épousé une femme ultra-présente à la vie, aux gens et aux choses et qui me fait sortir de ma méditation quelque peu égoïste et stérile. » Magda Trocmé fut au cœur du réseau de solidarité qui protégea des centaines d'enfants, leur procura l'enseignement et leur trouva des familles d'adoption. Dès le 29 septembre 1940, la paroisse du Chambon apparaît au pasteur Boegner comme « une église qui vit », même s'il la juge trop exposée ; il note qu'il existe au conseil presbytéral, des « éléments très „laïques“ qui n'ont aucune confiance dans le gouvernement actuel ». Les Trocmé et leurs paroissiens ne furent donc pas surpris par les perquisitions qui, à partir du 25 août 1942, illustrèrent la volonté du gouvernement Laval de livrer au IIIe Reich les juifs étrangers de la zone libre, enfants compris.
La radio de Londres avait alerté l'opinion après la rafle parisienne du Vél' d'Hiv' (juillet 1942). En réalité, dès mars 1941, le synode de l'Église réformée avait mandaté le pasteur Marc Boegner pour demander au gouvernement de ne légiférer sur l'immigration que « dans le respect des personnes et le souci de la justice ».
Au Chambon, les protestants avaient désigné comme « les anciens testaments » les enfants qui leur étaient envoyés notamment par les quakers, l'O.S.E. (Organisation de secours aux enfants) et la C.I.M.A.D.E. (Comité inter-mouvements auprès des évacués). Leurs refuges, au-delà même des maisons d'enfants attachées au Collège cévenol, étaient répertoriés et, sur l'ensemble des Cévennes, près de cinq mille enfants furent sauvés, y compris par des envois en Suisse et avec des concours de toutes confessions.
Arrêté en février 1943 avec le directeur du cours complémentaire Darcissac et son collègue Theis, le pasteur Trocmé fut libéré après quelques semaines, mais son cousin Daniel Trocmé mourut en déportation. Après la guerre, Magda Trocmé fut cosecrétaire du Mouvement international de la réconciliation puis, à Genève, professeur d'italien et animatrice d'échanges avec le Tiers Monde. Comme sous l'Occupation, elle voulait que tous admettent que « la personne humaine, juive ou chrétienne, amie ou ennemie, persécutée ou honorée, avait droit de trouver refuge, protection et nourriture ». À l'été de 1997, l'ensevelissement de ses cendres au Chambon-sur-Lignon témoignera de sa fidélité à une commune où elle a fait triompher la non-violence et l'amour.
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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