ABAKANOWICZ MAGDALENA (1930-2017)
Depuis ses débuts, difficiles, en Pologne dans les années 1960, jusqu'à la renommée internationale qu'elle connaît à partir des années 1990, Magdalena Abakanowicz a construit une œuvre puissamment originale, irréductible aux courants et aux modes occidentales. Dans ses œuvres – inquiétantes statues avançant sans tête, doux « cocons » tissés pour se mettre à l’abri du monde, etc. –, l'artiste fait preuve d'un sens inné du matériau et de ses valeurs tactiles et émotionnelles, jouant aussi bien des aspérités du tissu que de la ductilité du bronze. Mais ces étranges et poétiques sculptures comportent cependant bien plus qu’un message purement « plastique ». Depuis près d'un demi-siècle, Magdalena Abakanowicz ne cesse en effet de remettre en cause un monde où le rationalisme, la technique, le progrès ont démultiplié les capacités destructrices de l'homme envers son semblable et la nature.
Des débuts dans la « tapisserie »
Artiste polonaise née le 20 juin 1930 à Falenty, près de Varsovie, Magdalena Abakanowicz est issue d'une famille de l'aristocratie terrienne et connaît les pires épisodes de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide : l'invasion nazie, la destruction de Varsovie, le stalinisme et ses implications. Entre 1950 et 1954, elle se forme à l'école des Beaux-Arts de Varsovie. Elle pratique d'abord la peinture et fait ses débuts en 1960 avec une exposition qui comporte de grandes gouaches sur papier et quelques tissages. L'exposition est interdite pour cause de formalisme. Maria Laskiewicz, sculpteur, ancienne élève de Bourdelle, propose alors la candidature d'Abakanowicz à la Ire biennale internationale de la tapisserie de Lausanne en 1962 ; elle y est acceptée avec Composition de formes blanches.
En créant cette biennale, Jean Lurçat souhaitait qu'elle devienne le sismographe de la tapisserie : avec l'arrivée d'Abakanowicz, son vœu est exaucé. Son œuvre tissée connaît un retentissement immédiat, ses formes en relief rompant en effet avec la tradition française du « beau tissu ». L'artiste polonaise n'a d'ailleurs jamais employé le mot « tapisserie » ; même si elle se sert du métier, ses recherches portent sur la fibre (végétale, animale, synthétique), jouant sur ses contrastes : rugueux/soyeux, plein/vide, relief/planéité, envers/endroit. En 1965, au moment où son œuvre contribue à déclencher la querelle de Lausanne, elle reçoit la médaille d'or de la VIIIe biennale de São Paulo, qui consacre sa notoriété internationale.
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Écrit par
- Michèle HENG : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Toulouse-II
Classification
Média