ABAKANOWICZ MAGDALENA (1930-2017)
Vers la monumentalité
À partir de 1985, sans renoncer au matériau périssable, elle aborde la grande sculpture monumentale de plein air par le biais du bronze, de la pierre et du bois. Elle sculpte, en creusant des blocs de polystyrène, trente-trois figures dressées qui seront réalisées en bronze, Katarsis, nom choisi pour signifier la fonction purificatrice qu'Abakanowicz assigne à son œuvre : l'artiste devient le chaman qui assume la souffrance et les culpabilités collectives et qui rétablit l'équilibre rompu entre l'homme et la nature. De 1986 à 1991, elle se consacre au cycle des Foules, impressionnant ensemble de cinquante à soixante figures acéphales debout, toujours similaires, jamais identiques, images symboliques de masses à la fois menaçantes et somnambuliques.
Elle s'essaye à la taille directe avec les sept disques de pierre Negev (1987), destinés au musée d'Israël, et, dans le cycle Jeux de guerre (1987-1989), elle réutilise en les façonnant des troncs d'arbre abandonnés par les forestiers.
À partir de la fin des années 1980, elle se consacre surtout aux commandes monumentales : L'Espace du dragon (1988), ensemble de dix têtes d'animaux mythiques émergeant du gazon du parc olympique de Séoul ; Skulls, d’étranges crânes de bronze (2000-2002). On lui doit aussi de nombreuses réalisations aux États-Unis (Agora, Grant Park, Chicago, 2006). En 1991, lors du concours pour l'aménagement de l'axe de la Défense, son projet Architecture arboréale fut sélectionné, mais non retenu ; il suscita une commande en Californie, Arbres en forme de mains (1992), bronzes où le jeu des pleins et des vides évoque les Abakans.
Dans ses préfaces de catalogues, Magdalena Abakanowicz décrit l'importance du monde organique, l'observation méticuleuse de la vie animale et végétale à laquelle elle se livre. Enfant, les récits mythiques des paysannes l'impressionnèrent plus que les préceptes de ses professeurs adeptes du réalisme socialiste. Pour elle, le matérialisme a fait disparaître le sens du mystère et celui du sacré. La commande passée par la ville d'Hiroshima (Dos, quarante figures de bronze, 1993) revêt ainsi une valeur emblématique : Abakanowicz n'y voit pas la commémoration d'un événement, mais le symbole de toutes les tragédies. Elle souhaite susciter une prise de conscience universelle quant à la nécessité de contrôler les pulsions négatives. Malgré les difficultés matérielles et morales éprouvées en Pologne, Magdalena Abakanowicz a continué à vivre et travailler à Varsovie. Elle a enseigné à l'Académie des beaux-arts de Poznań de 1965 à 1990.
Elle meurt à Varsovie le 20 avril 2017.
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Écrit par
- Michèle HENG : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Toulouse-II
Classification
Média