MAGHREB Géographie
Géographie humaine et économique
Reconquêtes territoriales d'un monde dominé
Le Maghreb forme un ensemble vaste et hétérogène qui se caractérise toutefois par plusieurs traits communs. Il importe d'emblée de souligner la force de changement qu'a constituée partout la tutelle coloniale. L'héritage de cette dernière est encore source de nombreuses tensions et de volontés de rééquilibrages territoriaux. Trois ou quatre périodes historiques peuvent être distinguées pour l'ensemble de la région du Maghreb.
La première est la longue période précoloniale, où le Maghreb est plutôt « tourné vers l'intérieur » avec un peuplement rural dans les montagnes de l'arrière-pays méditerranéen et des échanges transsahariens. Cette tendance s'infléchit à partir du xvie siècle lorsque les Ottomans s'implantent au Maghreb, de l'Algérie à la Libye. Cette conquête, menée par un empire à majorité musulmane, a un objectif militaire et commercial plus que colonial. De fait, les Ottomans ne sont que quelques milliers à s’installer au Maghreb dans le but de contrôler les routes maritimes méditerranéennes et les routes transsahariennes. Cette forme de domination renforce les villes ayant une fonction marchande dans les trois régences d’Alger, de Tunis et de Tripoli : Alger, Oran, Bizerte, Nabeul, Sousse, Monastir, Sfax, Djerba, Tripoli, Benghazi… Tout un réseau de comptoirs maritimes ancre dès lors plus fortement le Maghreb dans l’espace méditerranéen.
Cette tendance est poursuivie et très largement amplifiée par les colonisateurs français (pour le Maghreb central) et italiens (pour la Libye). L'importance de la colonisation se fait encore grandement ressentir dans l'ensemble du Maghreb, même si elle ne prend pas les mêmes formes partout. L'unité du Maghreb central tient en partie à la colonisation française qui a contribué à organiser et exploiter cet espace selon des logiques similaires, qu'elle se fasse par une longue et violente conquête, comme en Algérie à partir de 1830, ou par pression diplomatique et économique, comme en Tunisie en 1881 et au Maroc en 1912. Dans les économies dépendantes qui y sont développées, l'échange inégal est de mise : la métropole devient le débouché exclusif des productions agricoles issues des différentes colonies tandis qu'elle les fournit en retour en biens manufacturés. Les espaces en sont très largement transformés : l'urbanisation et les infrastructures de transport des littoraux articulent le Maghreb colonial aux métropoles. Par ailleurs, l’agriculture coloniale marque le passage à des productions intensives fondées sur la création de grands périmètres de culture et la mécanisation. Au sein des sociétés paysannes, fragilisées, s'enclenche un exode rural qui contribue à la croissance rapide des principales villes littorales. À nouveau, la Libye – colonisée par les Italiens en 1911 et décolonisée dès 1943-1951 –, ainsi que la Mauritanie – dont la capitale administrative est celle de l’Afrique-Occidentale française (A-OF), Saint-Louis du Sénégal, jusqu'à la création de Nouakchott (1958) future capitale du nouvel État indépendant (1960) – se distinguent du Maghreb central.
Puis, après la Seconde Guerre mondiale, les pays du Maghreb recouvrent peu à peu leur indépendance, la Libye d'abord (1951), puis le Maroc et la Tunisie (1956), la Mauritanie (1960), et enfin l'Algérie au terme d'une sanglante guerre de libération (1962).
Les nouveaux dirigeants, portés par la volonté de construire des territoires nationaux, mettent en œuvre un cycle de renforcement des appareils d'État, destiné à tracer les principales lignes économiques, sociales et politiques des pays nouvellement indépendants. Bien qu'ils ne s'émancipent qu'avec difficulté, et toujours partiellement, des logiques territoriales[...]
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Écrit par
- Olivier PLIEZ : géographe, directeur de recherche au CNRS, université Paul-Valéry, Montpellier
- Bouziane SEMMOUD : docteur d'État, professeur d'université
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