- 1. Indépendances, régimes politiques, modèles économiques et projets de société
- 2. La question des frontières au cœur de la construction du Grand Maghreb
- 3. À la recherche d'une unité maghrébine
- 4. L'islamisme maghrébin : une contestation politique commune
- 5. La berbérité du Maghreb
- 6. 2011 : les « printemps maghrébins »
- 7. Bibliographie
MAGHREB Le Maghreb politique
L'islamisme maghrébin : une contestation politique commune
La montée en puissance des mouvements islamistes maghrébins, dans les années 1970 et 1980, s'effectue dans un contexte de crise politique. Elle est souvent révélatrice de l'échec des idéologies adoptées depuis les indépendances (qu'elles soient socialistes ou libérales) et des pratiques autoritaires du pouvoir qui ont fortement altéré les projets de société élaborés par les régimes en place. Le désenchantement, les difficultés socio-économiques (émeutes du pain en Tunisie et au Maroc en 1981, 1983, 1984), le poids exorbitant de la dette extérieure en Mauritanie, les plans d'ajustement structurel en Tunisie (1987) et en Algérie (1994), la hausse du chômage, ainsi que la répression des mouvements d'opposition touchent les sociétés maghrébines. Dans ce contexte, l'islamisme politique apparaît comme une force alternative qui renoue avec une authenticité et une identité malmenées par les pouvoirs en place. De plus, il puise sa légitimité dans les mouvements indépendantistes des années 1930-1940 et dans ses connexions avec les réseaux internationaux des Frères musulmans égyptiens.
Des islamistes sous surveillance
Les modèles économiques et les projets de société appliqués après les indépendances ont très souvent induit des inégalités profondes et un développement à deux vitesses. D'un côté, les sociétés maghrébines voient émerger des classes privilégiées proches du pouvoir (militaires, industriels et hommes d'affaires, hauts fonctionnaires, militants actifs du parti-État). Souvent francophones, celles-ci ont bénéficié d'un système scolaire performant (écoles privées et/ou françaises). D'un autre côté, des catégories de population paupérisées sont touchées par un chômage de grande ampleur. Des centaines de milliers de jeunes diplômés qui ont bénéficié d'une politique éducative de masse, mais sans moyens réels, se trouvent sans emploi.
De plus, le système éducatif public est soumis à une politique d'arabisation confiée aux islamo-conservateurs et aux coopérants irakiens, palestiniens et égyptiens. Cette arabisation, pensée comme une réislamisation des sociétés maghrébines, s'accompagne d'un dispositif législatif. Le Maroc en 1958 et l'Algérie en 1984 promulguent des codes juridiques conservateurs et patriarcaux, très éloignés du Code du statut personnel adopté en Tunisie en 1956. Les États entérinent, par un rigorisme moral, mais aussi pour contrer les oppositions de gauche et d'extrême gauche très actives au sein des universités, cette montée du conservatisme par une série de mesures censées garantir le retour au religieux (lieux de prières dans les administrations, interdiction de vente d'alcool, instauration du week-end islamique pour l'Algérie et la Libye, éducation religieuse obligatoire dans le système scolaire).
L'Algérie et l'islamisme radical
L'Algérie des années 1980 est représentative de ces mutations sociétales et idéologiques. Le Front islamique du salut (F.I.S.) devient la principale force politique contestataire, dotée d'une légitimité électorale acquise lors des scrutins de 1990 et 1991. Toutefois, en 1992, le gouvernement en place interrompt brutalement le processus électoral et impose l'état d'urgence. Les leaders historiques du F.I.S. (Abassi Madani et Ali Belhadj) sont arrêtés, le parti est dissous, des dizaines de milliers de militants et de sympathisants sont emprisonnés. C'est le début d'une guerre civile qui durera presque dix ans et se soldera par près de 200 000 victimes, 20 000 disparus et 30 000 prisonniers politiques.
L'arrêt du processus électoral a renforcé les groupes armés qui existaient avant 1992 : le Mouvement islamique armé est consolidé par l'Armée islamique du salut, branche[...]
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Écrit par
- Karima DIRÈCHE : professeure agrégée d'histoire, docteure en histoire contemporaine, chargée de recherche au CNRS
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