- 1. Indépendances, régimes politiques, modèles économiques et projets de société
- 2. La question des frontières au cœur de la construction du Grand Maghreb
- 3. À la recherche d'une unité maghrébine
- 4. L'islamisme maghrébin : une contestation politique commune
- 5. La berbérité du Maghreb
- 6. 2011 : les « printemps maghrébins »
- 7. Bibliographie
MAGHREB Le Maghreb politique
La berbérité du Maghreb
Les États maghrébins mobilisent, dès les indépendances, un référentiel identitaire où arabité et islamité sont les ciments exclusifs de cohésion nationale, inscrits dans les textes constitutionnels des cinq pays du Grand Maghreb. Ainsi, les politiques d'arabisation appliquées au Maroc et en Algérie, dans les années 1960, imposent une uniformisation linguistique et culturelle qui rejette dans l'espace domestique et privé la pluralité des langues et des cultures.
Les Berbères sont les principales victimes de cette politique de marginalisation et de « muséification » de leur culture. Si la berbérophonie concerne une dizaine d'États en Afrique du Nord et au Sahel, c'est au Maroc et en Algérie que la revendication identitaire est la plus organisée, car elle repose sur une base sociale forte de plus de 17 millions de berbérophones (plus de 25 p. 100 de la population algérienne et de 35 à 45 p. 100 de celle du Maroc).
La question berbère ne se pose pas de la même façon selon les pays, ni même selon les groupes berbérophones. En Algérie, les Kabyles sont plus offensifs dans leur revendication culturelle et linguistique que les Chaoui des Aurès ou les Mozabites des oasis présahariennes. De même, les Rifains du nord du Maroc, par leurs spécificités historiques et politiques, sont considérés comme plus autonomistes que les Berbères du Sous Atlas ou du Moyen Atlas. Le cas le plus problématique est sans aucun doute celui des Touaregs, répartis dans cinq États-nations (Algérie, Libye, Burkina Faso, Niger, Mali), dont les politiques d'assimilation et de sédentarisation ont conduit à des rébellions armées et à des répressions féroces, notamment au Niger et au Mali dans les années 1990. Le militantisme berbère produit, dès les années 1970, la carte géopolitique de la berbérophonie. S'appuyant sur les travaux archéologiques et linguistiques qui recensent les traces matérielles du libyco-berbère (ancienne écriture berbère en usage dans les sociétés antiques d'Afrique du Nord), cet espace s'étire, d'est en ouest, de l'oasis égyptienne de Siwa aux îles Canaries, et, du nord au sud, des pays du Maghreb au Burkina Faso.
Quelles que soient les formes qu'il revêt, le militantisme berbère évolue vers une politisation croissante. Dans les années 1970, ses acteurs sont les élites éduquées (enseignants et étudiants), affiliées à des mouvements politiques de gauche, le Mouvement culturel amazigh au Maroc et le Mouvement culturel berbère en Algérie. Ce militantisme culturel, axé sur la défense et la promotion de la langue berbère, est assez rapidement relayé par des revendications démocratiques et laïques. Le combat essentiel est celui de la reconnaissance, dans la Constitution, de la langue berbère comme langue officielle.
Les années 1989 et 1990 sont marquées par une montée en puissance des mouvements berbéristes qui bénéficient d'une forte réceptivité auprès des populations mais disposent d'une faible marge de manœuvre politique. Une partie du travail de reconnaissance de la langue berbère s'effectue donc par la diaspora, en France.
Les Berbères se dotent, à partir de 1996, pour la première fois, d'une instance commune à l'échelle des pays de Tamazgha (« monde berbère ») : le Congrès mondial amazigh (C.M.A.), dont le but est de « rompre un silence plusieurs fois millénaire ». Dans la lignée de la Déclaration universelle des droits linguistiques signée, en 1996, à Barcelone par l'U.N.E.S.C.O., le C.M.A. revendique « la défense et la promotion des droits et des intérêts politiques, économiques, sociaux, culturels et linguistiques de la nation amazighe » afin de les élever au même rang que les droits indigènes et autochtones.
Lors des grandes révoltes de 2011, connues sous l'expression « printemps arabe », la question de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Karima DIRÈCHE : professeure agrégée d'histoire, docteure en histoire contemporaine, chargée de recherche au CNRS
Classification
Médias
Autres références
-
ABD EL-KRIM (1882-1963)
- Écrit par Jean-Louis MIÈGE
- 1 506 mots
- 3 médias
...Bourguiba et les leaders nationalistes marocains Abd el-Khaleq Torres et Allal el-Fassi, il fonde, au Caire, le 9 décembre 1947, un Comité de libération du Maghreb arabe dont il est président à vie. Le 5 janvier 1948, l'émir lance un manifeste, contresigné par les représentants des principaux partis nord-africains,... -
AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale
- Écrit par Roland POURTIER
- 24 465 mots
- 27 médias
...Dans les franges méditerranéennes qui ourlent les extrémités nord et sud du continent, la forêt constitue le climax des parties les plus arrosées. Au Maghreb, des variantes humides (forêts de chênes-lièges et de chênes kermès) se localisent dans les massifs montagneux de Kabylie, de Kroumirie ou des... -
AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations
- Écrit par Marc MICHEL
- 12 424 mots
- 24 médias
Au moment où la Libye accédait à l'indépendance et allait grossir les rangs du groupe afro-asiatique à l'O.N.U., les questions marocaine et tunisienne faisaient irruption sur cette même scène dans des conditions infiniment plus dramatiques. Les positions de départ avaient été clairement affirmées à... -
AL-ANDALUS - (repères chronologiques)
- Écrit par Pascal BURESI
- 268 mots
- Afficher les 34 références