MAGHREB Littératures maghrébines
À ce que la géographie arabe nomme poétiquement le Maghreb (al-Maḡrib) et qui apparaît dans l'histoire sous les désignations fluctuantes de Libye, d'Afrique ou de Berbérie correspond une aire linguistique et culturelle qui, à travers les siècles, a vu un terroir primitif se recouvrir d'alluvions d'origines passablement diverses. L'originalité de ce complexe vient précisément de ce qu'il est globalement indéfinissable et qu'il ne saurait pour autant se ramener à ses composantes successives. Seule une sorte de stratigraphie philologique et littéraire pourrait donner une idée de sa déroutante richesse. Il était en tout cas inévitable que plusieurs langues et plusieurs littératures se succèdent et s'entrepénètrent dans ce cadre naturel traversé par les hasards et les violences d'invasions et de conquêtes qu'il a d'abord toujours subies, puis dont il a su régulièrement tirer parti, les tournant à son avantage et les amenant à sa mesure. Ainsi, sans cesser d'être jamais lui-même – ce qui le faisait appeler « berbère » par ceux qui montraient par là leur échec à le réduire –, le Maghreb a été punique et juif, grec et latin, vandale et byzantin, arabe, turc et français, avant de donner naissance à de jeunes nations que l'affirmation de leur nouvelle indépendance politique ont conduit immanquablement à faire un inventaire critique de toutes leurs traditions culturelles.
En bref, il s'agit de savoir ce qui, dans cette histoire, l'emporte finalement des aliénations ou des originalités, des ruptures ou des cohérences, de la discontinuité ou de la continuité. Ce qui revient en somme à contester ou à ratifier la solution que, déjà à la fin du xixe siècle, suggérait fort subtilement Paul Monceaux lorsqu'il écrivait : « De tout temps, l'homme d'Afrique s'est jeté alternativement, avec une égale ferveur, dans le rêve et dans l'action. Ce qu'il a été, ce qu'il est encore dans la vie réelle, il l'a été en littérature, où il a su créer à son usage un style plus chaud, plus concret, plus vivant : il y a donné à l'imagination et à la passion plus qu'à la raison, à la fantaisie et à l'audace plus qu'à la logique ou à la tradition. »
À une histoire faite de colonisations successives correspond donc une suite de phases d'acculturation. Mais un fait domine ces péripéties, celui de l'adhésion à l'islam dont l'hégémonie décisive devient, à partir du viiie siècle, une constante. Face aux présences étrangères, elle seule mesure l'adhésion et, partant, la participation aux formes de l'activité socio-culturelle, ou signifie le refus et l'obligation, alors, de maintenir vivace une tradition menacée.
Cette longue lutte n'a pas manqué de façonner un type d'homme qui, au seuil du xxie siècle, est une nouvelle fois appelé à choisir une voie.
Littératures préislamiques
Traces libyques, puniques et grecques
L' ignorance et les préjugés ont fait que les débuts de la culture maghrébine ont été longtemps, sinon passés entièrement sous silence, du moins abusivement « retardés ». Stéphane Gsell a fait justice de cette partialité en montrant que, si le passé libyco-berbère est rebelle à toute reconstitution historique, il n'en est pas moins indéniable. Instrument essentiellement oral, la langue que, pour la commodité, on pourrait appeler originelle, et qui est ordinairement considérée comme appartenant à la famille chamitique et même qualifiée parfois de protosémitique, n'en a pas moins donné lieu à des inscriptions dont l'alphabet se rapproche de l'écriture des Touareg actuels, le tifinagh.
Cela étant, est-ce quelque parenté linguistique qui a favorisé non seulement le développement d'un certain nombre de communautés juives très anciennes,[...]
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Écrit par
- Jamel Eddine BENCHEIKH : professeur à l'université de Paris-IV
- Christiane CHAULET ACHOUR : professeure émérite de littérature comparée de l'université de Cergy-Pontoise
- André MANDOUZE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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Médias
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