MAGHREB Littératures maghrébines
Littératures postislamiques
La littérature berbère
Dans les articles berbèreset kabyles, où est étudiée la littérature populaire des différents groupes de dialectes, on aura remarqué combien le fait berbère reste entouré de mystère, combien l'histoire de la langue et de la culture pose de redoutables énigmes. Un effort plus soutenu se développe pour inventorier cette production, par le livre ou la bande magnétique, et sauver ses trésors de l'oubli rapide dont ils sont menacés du fait de mutations socio-culturelles profondes.
De timides tentatives ont été ébauchées par quelques écrivains pour créer un instrument d'expression plus perfectionné qui soit en mesure de traduire les inspirations d'une conscience moderne. On ne peut préjuger de leurs résultats. Dans un Maghreb arabisé où, d'autre part, la langue française paraît devoir jouer encore longtemps un rôle important, la tâche sera rude. D'autant que l'entreprise pose des problèmes d'ordre politique. Le berbérisme a eu des fortunes diverses et connu des utilisations fort ambiguës. L'adhésion non équivoque des populations à l'islam et leur participation au combat de libération nationale ont mis un terme à certaines d'entre elles. Mais il reste qu'une fraction de l'opinion estime, en Algérie, par exemple, que la minorité d'origine berbère est lésée, notamment sur le plan culturel. Ce sentiment peut peser gravement sur l'évolution de certaines régions du Maghreb. Si la tentation d'un régionalisme outrancier constitue, à tous égards, un danger, il faut condamner avec vigueur tout dessein de faire disparaître une source originale et vivante de la culture maghrébine.
On ne doit d'ailleurs pas réduire l'activité littéraire des Berbères à la seule production orale. Les œuvres écrites sont certes très rares, mais elles existent. Toutes postérieures à la pénétration musulmane, elles utilisent les caractères arabes. Mais surtout, des historiens, des généalogistes, des théologiens, des juristes, des voyageurs, des grammairiens, des poètes ont directement écrit leurs œuvres en arabe. La conquête n'a pas islamisé et encore moins arabisé immédiatement le Maghreb. Mais peu à peu l'hégémonie arabo-islamique s'est affirmée, souvent par l'intermédiaire de ceux-là mêmes qui l'avaient combattue. Ils ont dès lors participé, à part entière peut-on dire, à l'activité culturelle du pays, tels ces Berbères installés en Espagne dès la conquête et dont les descendants s'illustrèrent à l'image du poète Ibn Darrāǧ al-Qasṭallī (958-1030), le Mutanabbī d'Andalousie.
La littérature de langue arabe
Il faut faire deux observations liminaires. Au moins jusqu'à la période contemporaine, la littérature arabe du Maghreb ne saurait se détacher de l'ensemble socio-culturel qui s'établit naguère des frontières de l'Inde à l'Espagne. Elle reçoit ses injonctions, obéit à ses lois, souscrit à ses orientations. Même géographiquement, il est difficile parfois de réduire un auteur à son origine maghrébine : Ibn H̲aldūn (Ibn Khaldūn) séjourne en Espagne, quitte la Tunisie et s'installe en Égypte où il meurt ; Ibn Rušd (Averroès) fait une grande partie de sa carrière dans l'Andalousie musulmane soumise aux Almohades ; Ibn Rašīq meurt en Sicile et Ibn Šaraf à Séville. Il y a un perpétuel va-et-vient entre les différentes parties de l'empire. De nombreux savants maghrébins vont se former en Orient avant de revenir dans leur pays natal, lorsqu'ils y reviennent. Ainsi, Ibn Tūmart, le mahdīalmohade, poursuit ses études au Caire et à Damas, avant de fonder un nouvel État qui englobe le Maghreb et une partie de l'Espagne. Le regroupement de tous les écrivains n'évite l'arbitraire que s'il sert à mesurer l'importance d'une[...]
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Écrit par
- Jamel Eddine BENCHEIKH : professeur à l'université de Paris-IV
- Christiane CHAULET ACHOUR : professeure émérite de littérature comparée de l'université de Cergy-Pontoise
- André MANDOUZE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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Médias
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