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MAGICIENS DE LA TERRE

Une polémique fertile

Vingt-cinq ans après l’exposition, nombreuses sont les pratiques de commissiariat s’essayant à leur tour à un décloisonnement comparable dans les biennales, les collections publiques ou privées, les galeries et les foires. La critique s’est elle aussi saisie du geste de Jean-Hubert Martin : l’exposition, qui a reçu 300 000 visiteurs, a en partie été négligée ou rejetée en 1989 par le public averti. Mais elle a d’emblée fait l’objet d’une intense discussion dans les revues spécialisées, comme Les Cahiers du Muséenational d’art moderne, Art in America ou Artforum.

L’exposition a aussi fédéré contre elle un ensemble de critiques aussi bien conservatrices que postcoloniales. Bien qu’elles aient adopté des lignes assez divergentes, ces dernières sont depuis lors régulièrement reprises par des commissaires d’exposition internationaux tel Okwui Enwezor. Un premier ensemble parmi ces critiques dénonce en effet, aujourd’hui comme hier, une trop forte différenciation, dans Magiciens de la Terre, entres œuvres de pays du « Nord » et œuvres du « Sud », ces dernières étant alors caractérisées par leur dimension rituelle et leur aura. D’autres critiques se plaignent au contraire de la trop grande indifférenciation pratiquée par Martin et ses collègues : la décontextualisation qu’opère inévitablement le musée en serait un symptôme. D’un côté, donc, on reproche à Martin de ne pas avoir été fidèle à son relativisme culturel en imposant un regard ethnocentrique, c’est-à-dire néo-primitiviste, sur les œuvres d’art non occidentales. D’un autre côté, on conteste les choix de Magiciens de la Terre parce qu’au relativisme culturel qui en est le point de départ se serait peu à peu ajouté un relativisme esthétique conduisant à une forme de « déroute du goût », dont l’esthète ne saurait se satisfaire. Ainsi le succès durable de Magiciens de la Terre tient-il, outre son originalité initiale, au fait que l’exposition continue de faire l’objet d’un puissant conflit d’interprétations dont les manifestations de 2014 ont à nouveau témoigné.

Le catalogue de la première exposition se présentait comme un atlas qui restituait l’origine géographique de chaque artiste sur une carte du monde centrée sur ce point. Le catalogue de 2014 s’attache pour sa part à recueillir le témoignage des artistes à propos de l’exposition et à expliquer comment cette expérience a pu changer leur regard sur l’art.

— Laurent JEANPIERRE

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