MAGNÉTISME
Aspects théoriques
Les modèles qui ont été développés dans les chapitres précédents étaient essentiellement phénoménologiques. Il importe maintenant de préciser la nature et l'origine des moments magnétiques atomiques, du champ moléculaire et de l'anisotropie magnétocristalline.
Le moment magnétique atomique ou ionique
La mécanique quantique nous apprend que, le plus souvent, le moment cinétique total d'un atome ou d'un ion libre est la somme vectorielle ℏJ du moment cinétique orbital ℏL des électrons, provenant de leur mouvement autour du noyau, et de leur moment cinétique de spin ℏS, provenant de leur rotation sur eux-mêmes : h = 2πℏ est la constante de Planck tandis que J, L et S sont caractérisés par les nombres quantiques J, L et S. Le moment magnétique orbital est un vecteur :
où − |e| et m sont respectivement la charge électrique et la masse de l'électron ; on appelle magnéton de Bohr le moment magnétique élémentaire, d'une valeur μB = 0,927 26 . 10-23 ampère . mètre carré ; le moment magnétique de spin est lui aussi proportionnel au moment cinétique de spin mais le facteur de proportionnalité est double. C'est ainsi que le moment magnétique total de l'ion est un vecteur − (L + 2S)μB ; c'est la somme d'une composante perpendiculaire à J qui tourne à haute fréquence autour de J et ne joue généralement qu'un rôle négligeable, et d'une composante − gJμB, parallèle à J, qui est le moment apparent de l'ion ; g est le facteur de Landé donné par :quand les ions ne sont pas trop lourds. Le rapport du moment magnétique total au moment cinétique total est alors égal à − g|e|/2m.Par conséquent, à toute variation macroscopique d'aimantation est associée une variation macroscopique du moment cinétique et inversement. On observe ainsi une série de phénomènes, connus sous le nom d'effets gyromagnétiques ou magnétomécaniques, qui permettent notamment de mesurer directement le facteur g. L'équation (3), établie par Paul Langevin dans l'hypothèse d'une statistique classique, a été revue par Léon Brillouin, pour tenir compte de la quantification du moment magnétique. Ce n'est que pour les plus faibles valeurs de J qu'apparaissent des différences significatives par rapport à la théorie classique.
Le magnétisme du corps solide
Pour qu'un matériau présente une aimantation notable, il doit comporter au moins un type d'élément ayant une couche électronique à la fois incomplète (autrement son moment cinétique serait nul) et profonde : en effet, les électrons périphériques participent à la cohésion du solide, leurs orbites en sont notablement perturbées et, par voie de conséquence, leurs propriétés magnétiques sont généralement très affaiblies, en comparaison de celles de l'ion libre.
Le magnétisme le plus marqué et le mieux compris est celui des terres rares, ou lanthanides, dont les électrons « magnétiques » sont ceux de la couche profonde 4f, écrantée par d'autres couches complètes extérieures, 5s et 5p. Les effets de l'environnement, sans bouleverser totalement les propriétés magnétiques, agissent comme une perturbation. Le moment magnétique à saturation reste égal à celui de l'ion libre (gJμB) et l'on rend compte d'une manière satisfaisante des constantes de Curie des composés à base de terres rares en remplaçant dans la formule (4) m2 par g2J(J + 1)μ2B, valeur quantique du carré du moment.
Vient ensuite la famille du fer, dont les électrons responsables du magnétisme sont ceux de la couche 3d, recouverte par seulement un ou deux électrons 4s ; moins bien protégés de l'extérieur que les électrons 4f, ces électrons 3d ressentent plus fortement l'influence des champs électriques créés par les ions[...]
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Écrit par
- Damien GIGNOUX : docteur ès-sciences physiques, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Étienne de LACHEISSERIE : ingénieur I.S.E.P., docteur ès sciences, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Louis NÉEL : Prix Nobel de physique, professeur à l'Institut national polytechnique de Nancy et à l'université de Nancy
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