MAGNÉTOHYDRODYNAMIQUE (MHD)
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La magnétohydrodynamique (M.H.D.) est une branche de la physique consacrée à l'étude des mouvements des fluides conducteurs de l'électricité en présence de champs magnétiques. Elle s'applique aux métaux liquides (mercure, métaux alcalins fondus), aux gaz faiblement ionisés et aux plasmas.
Lorsqu'un fluide conducteur se déplace dans un champ magnétique, il est le siège d'un champ électrique qui y produit des courants électriques ; ceux-ci modifient le champ magnétique initial ; d'autre part, les forces de Laplace appliquées à la matière le long des lignes de courant modifient le mouvement du fluide. Ainsi apparaît une interaction des effets électromagnétiques et hydrodynamiques qui constitue le domaine d'étude de la M.H.D. L'importance de l'interaction est caractérisée par un nombre sans dimension RM appelé nombre de Reynolds magnétique ; RM est proportionnel à la conductivité électrique du fluide, à sa vitesse et aux dimensions de l'écoulement. L'interaction est généralement faible (RM < 1) dans les métaux liquides et les gaz faiblement ionisés et forte (RM > 1) dans les plasmas.
Le champ magnétique peut être considéré comme un fluide mélangé au fluide matériel et exerçant sur lui des efforts de « pression magnétique » proportionnels au carré de l'induction magnétique B. Si l'interaction champ-matière est forte, ces deux fluides se déplacent solidairement : le champ magnétique est « gelé » dans la matière. Le milieu peut alors propager des ondes spéciales de basse fréquence appelées ondes magnétohydrodynamiques : les plus simples d'entre elles sont les ondes d'Alfvèn, qui se propagent parallèlement aux lignes de forces magnétiques ; ce sont des ondes transversales qui peuvent être considérées comme des oscillations des tubes de force, ceux-ci se comportant comme des cordes vibrantes chargées par la matière entraînée.
La magnétohydrodynamique intervient dans l'interprétation de nombreux phénomènes naturels : champs magnétiques et vitesses de rotation des étoiles et des planètes ; taches, éruptions et vent solaires ; structure des magnétosphères ; origine des rayons cosmiques, rayonnement des pulsars. L'importance de la M.H.D. dans tous ces événements astrophysiques tient au fait que les dimensions, les vitesses et, souvent, les conductivités des plasmas en jeu sont très élevées de sorte que la matière et le champ magnétique sont fortement couplés.
À l'échelle terrestre, de nombreuses applications techniques de la M.H.D. ont été envisagées, certaines dès le xixe siècle. Leur développement pratique se heurte à une difficulté importante : les métaux liquides et les gaz ionisés sont, en général, de moins bons conducteurs que le cuivre, de sorte qu'ils ne peuvent se substituer à celui-ci en électrotechnique que dans des cas très spéciaux.
Des développements industriels importants concernent les métaux liquides (pompage électromagnétique du sodium utilisé comme réfrigérant dans certains réacteurs nucléaires ; pompage, brassage et lévitation dans certains traitements métallurgiques). Les applications aux gaz ionisés et aux plasmas ont fait l'objet de recherches : confinement magnétique des plasmas dans les recherches sur la fusion contrôlée, conversion d'énergie (générateurs M.H.D. pour améliorer le rendement des centrales thermiques, moteurs M.H.D. pour la propulsion des fusées, souffleries hypersoniques), aérothermie et propulsion navale.
Magnétohydrodynamique des liquides
Équations générales de la M.H.D. des liquides
La M.H.D. est consacrée à l'étude des interactions entre le champ de vitesse v et le champ d'induction magnétique B, qui décrivent le mouvement d'un fluide conducteur dans un champ magnétique. Elle est donc régie par un système d'équations couplées obtenu à partir des équations de Maxwell et des équations de l'hydrodynamique. Les premières (cf. électricité - Électromagnétisme) s'écrivent ici sous forme simplifiée :


Dans cette relation, le champ d'induction v ∧ B s'ajoute au champ électrique E produit dans le repère fixe ; la conductivité électrique σ est supposée scalaire et non modifiée par la présence du champ B (l'effet Hall est négligeable dans les métaux).
Les équations générales de l'hydrodynamique s'écrivent, d'autre part, également sous forme simplifiée :

Convexion et diffusion du champ magnétique
En éliminant entre les équations (1) à (4) les variables auxiliaires j et E, on obtient :

L'équation (7) met en évidence le couplage entre le champ B et le champ de vitesse v ; si l'on suppose connu v, c'est-à-dire le mouvement du fluide, elle décrit l'évolution de B ; c'est ce qu'on peut appeler avec Lundquist l'aspect cinématique de la M.H.D. Les deux termes qui figurent au deuxième membre de l'équation (7) décrivent deux mécanismes différents qui font évoluer B en un point donné : le premier dépend de la vitesse du fluide, le second est proportionnel à sa résistivité. Pour des raisons qui vont être développées, on peut les appeler :

Supposons tout d'abord le deuxième terme nul, de sorte que l'équation d'évolution de B se réduit à :

Ce cas limite s'obtient en considérant un fluide de conductivité électrique σ infinie ; pour que j et B restent finis, on doit alors avoir :

Des deux équations (9) et (10) on déduit que le champ magnétique est entraîné par la matière ; mathématiquement, cela s'exprime par deux théorèmes de convexion de B représentés sur la figure : sur ce schéma, C représente un contour fermé tracé à un certain instant t dans le fluide et MP une ligne confondue à ce même instant avec une ligne de force de B. À un instant ultérieur t′, les éléments du fluide se sont déplacés : ceux du contour C tracent un contour C′, ceux de la ligne MP décrivent une ligne M′P′. Les deux théorèmes de convexion de B permettent d'affirmer que le flux du champ magnétique Φ (C′) à travers C′ est égal au flux initial Φ (C) à travers C et que la ligne M′P′ se confond comme MP avec une ligne de force de B.
Ces deux résultats ont été énoncés clairement par l'astrophysicien suédois Hannes Alfvén, en 1942, qui les a résumés en disant que le champ magnétique et la matière constituent deux fluides gelés l'un dans l'autre.
Considérons maintenant le cas limite opposé où le deuxième mécanisme d'évolution de B est dominant, de sorte que l'équation d'évolution de B se réduit à :

Sous cette forme, on reconnaît l'analogue vectorielle de l'équation classique de la diffusion ; λ est le coefficient de diffusion de B. L'équation (11) exprime le fait que toute perturbation locale de B tend à s'atténuer par diffusion selon le schéma indiqué sur la figure. La vitesse de diffusion est d'autant plus faible que la conductivité électrique du fluide est plus grande, parce que les courants de Foucault s'opposent aux variations de B. En un temps de l'ordre de t, la distance de diffusion est de l'ordre de (λt )1/2 ; la pénétration d'un champ alternatif de pulsation ω est limitée à une couche dont l'épaisseur est de l'ordre de (λ/ω)1/2 : c'est l'effet de peau. Remarquons, enfin, que les phénomènes de diffusion décrits précédemment sont indépendants de v qui ne figure plus dans l'équation (11) : dans ce cas limite, il n'y a plus aucune convexion de B par la matière.
En pratique, convexion et diffusion se superposent toujours plus ou moins et il est intéressant d'établir un critère caractérisant l'importance relative de ces deux mécanismes. L'analyse dimensionnelle de l'équation (7) le permet ; désignons par l une longueur qui caractérise l'échelle de l'écoulement considéré (distance sur laquelle v ou B varie notablement) : on voit alors que le terme de convexion est d'ordre vB/l et celui de diffusion d'ordre λB/l2. On peut donc former le nombre sans dimension :

Il y a une importante analogie entre l'équation (7) de transport de B et l'équation qui décrit dans un fluide incompressible, non conducteur, mais visqueux l'évolution de la grandeur ω = rot v qu'on peut appeler la vorticité. Celle-ci s'écrit en effet :


Le parallélisme entre les grandeurs relatives à ω et B est souligné dans le tableau. Pour un fluide donné, on peut former le rapport :

Tenseur des efforts magnétiques : pression et tension magnétiques
Dans l'équation fondamentale de la dynamique (6), le terme j ∧ B représente la force électromagnétique appliquée à une unité de volume du fluide. En tenant compte de l'équation de Maxwell-Ampère (2), on peut montrer que cette force est la divergence d'un tenseur, c'est-à-dire que l'on a :

En analysant ces tenseurs, on montre que le champ B exerce sur la matière une pression isotrope, appelée pression magnétique :


Lorsque le champ B est uniforme, la résultante des forces appliquées à un élément de volume du fluide est nulle (cf. formule 16 et ). Dans un champ non uniforme, pM et TM varient d'un point à un autre et les lignes de force sont en général courbes. La force résultante j ∧ B n'est plus alors nulle en général ; on peut vérifier qu'elle est perpendiculaire à B et l'analyser en deux composantes : l'une est due au gradient transverse de la pression magnétique ; l'autre, dirigée selon le rayon de courbure R de la ligne de force moyenne et égale à B2/μ0R, est la résultante des forces de traction. On peut vérifier que, lorsque j = 0, la structure du champ est telle (rot B = 0) que ces deux composantes se compensent, de sorte que la force résultante est effectivement nulle.
Ondes d'Alfvén
Lorsqu'un fluide assez conducteur est placé dans un champ magnétique statique B, la propagation des ondes électromagnétiques de basse fréquence s'y fait avec entraînement de la matière par convexion : de telles ondes sont appelées magnétohydrodynamiques (ou parfois hydromagnétiques).
Le cas le plus simple est celui d'ondes planes sinusoïdales se propageant dans un fluide homogène, parallèlement à un champ uniformeB0 ; si la matière et le champ magnétiques sont gelés l'un dans l'autre, on a alors les ondes d'Alfvén transversales dont la structure est représentée sur la figure. Elles peuvent être décrites en considérant les tubes de force comme des cordes vibrantes tendues par la tension magnétique TM et chargées par la matière entraînée par convexion. La vitesse de propagation de ces ondes est alors donnée par la formule classique des cordes vibrantes :


Pour que les ondes d'Alfvén se propagent sans dispersion ni amortissement notable, il faut que la fréquence soit assez basse et que le champ B0 et la conductivité σ soient assez forts.
Écoulements de Hartmann
On appelle écoulements de Hartmann une famille d'écoulements stationnaires, laminaires, ayant la structure représentée sur la figure : le fluide conducteur, supposé incompressible, s'écoule entre deux plaques parallèles considérées comme infinies. Un champ magnétique uniforme Bz est imposé dans la direction Oz perpendiculaire aux plaques ; la vitesse vy du fluide est dirigée suivant Oy et un champ électrique uniforme Ex peut être appliqué suivant la troisième direction Ox. Les champs électriques Ex et vy Bz produisent un courant jx dirigé suivant Ox ; on dispose le circuit extérieur de façon que les trajets des courants de retour j′ soient situés dans des plans parallèles à xOz, et produisent donc avec jx un champ induit By parallèle à v. Le mouvement est entretenu soit par le champ Ex et la force − jxBz qui en résulte, soit par un gradient de pression ∂p/∂y. Ex, Bz et ∂p/∂y sont des constantes, vy, By et jx sont des fonctions de z.
Un écoulement de Hartmann possède une vorticité ωx dirigée suivant Ox dont l'existence est due au fait que vy s'annule à la paroi. Sa répartition est le résultat de deux effets contraires : la viscosité qui tend à faire diffuser ωx vers l'intérieur du fluide, et le champ magnétique transverse qui s'oppose à cette pénétration. Si Bz est assez fort, la vorticité est confinée au voisinage des parois dans deux couches limites dont l'épaisseur est de l'ordre de :

lH est la longueur de Hartmann, le nombre de Hartmann H étant le rapport a/lH où 2 a est la distance entre les plaques. Lorsque H >> 1, la répartition de vy dans la section droite a l'allure représentée sur la figure.
Pompage électromagnétique du sodium dans les réacteurs nucléaires
Parmi les applications des écoulements de Hartmann, seules les pompes électromagnétiques sont dès maintenant entrées dans la pratique industrielle : on les utilise en particulier dans l'industrie nucléaire pour véhiculer le sodium fondu qui est le fluide caloporteur généralement choisi pour les réacteurs surrégénérateurs. Le schéma de principe d'une telle pompe est représenté sur la figure.
Les pompes réalisées sont de deux types : pompes à conduction qui dérivent directement du schéma de la figure et où des électrodes relient le fluide à un circuit extérieur ; pompes à induction dans lesquelles le fluide est isolé et parcouru par des courants de Foucault induits dans sa masse par un champ magnétique alternatif glissant. La figure indique dans un diagramme débit-pression les domaines d'utilisation des pompes de ces divers types fabriquées en France par la Société G.A.A.A. (Groupement atomique Alsacienne-Atlantique).
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Écrit par
- Jean-Loup DELCROIX : Professeur à l'Université de Paris-Sud Orsay. Directeur de l'Ecole Supérieure d'Electricité.
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