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MAHĀYĀNA ou GRAND VÉHICULE

L'appellation bouddhiste de Mahāyāna, traduite communément par « Grand Véhicule », est un terme polémique du bouddhisme. Avec son pendant péjoratif, le Hīnayāna (« Petit Véhicule »), le Mahāyāna forme un couple conceptuel qui, à l'instar de la distinction chrétienne entre Ancien et Nouveau Testament, reflète une vision progressiste de l'histoire religieuse et implique une hiérarchie, admise par les seuls tenants du second terme. On peut y voir la radicalisation d'un concept plus ancien, celui des « trois véhicules » ou modes de progression dans la voie bouddhique, qui distinguait le véhicule des « auditeurs » (́srāvaka en sanscrit), celui des « éveillés solitaires » (pratyekabuddha) et celui des « êtres d'éveil » (bodhisattva). La pratique du véhicule des auditeurs était couronnée par l'état d'arhat ou « méritant » ; le véhicule des Éveillés (bouddhas) solitaires n'était suivi que par ceux qui, nés dans un âge où le message bouddhique n'avait pas été propagé, découvraient par leurs propres moyens la loi de la production causale et de l'acte (karman) et parvenaient à s'en affranchir. Le troisième véhicule, celui des êtres d'Éveil ou bodhisattva, était infiniment plus restreint puisqu'il était réservé à celui qui parvient, après d'innombrables renaissances, à apparaître au monde pour réaliser l'éveil complet de Bouddha et prêcher en tant que tel la loi bouddhique (dharma). Les tenants du Grand Véhicule vont à la fois déprécier les deux premiers groupes, celui des Auditeurs essentiellement, car les Éveillés solitaires sont par définition un groupe largement théorique en notre monde, et donner une dimension inattendue au troisième, qui devient le Mahāyāna proprement dit.

On s'accorde généralement à penser que ce mouvement novateur de remise en question de la vision bouddhique ancienne s'est constitué à partir du premier siècle avant J.-C. ; l'essentiel du corpus d'écritures canoniques (citons les sūtra dits « de la Grande Vertu de Sagesse », le « Sūtra du Lotus », le « Sūtra d'Amitābha », l'« Enseignement de Vimalakīrti ») le représentant est achevé autour du iie siècle après J.-C., tandis que l'activité des principaux commentateurs (Nagārjūna, Āryadeva, Asaṅga, Vasubandhu) s'étend du iie au ve siècle.

Pour esquisser les caractéristiques du Mahāyāna, telles que les âges postérieurs les ont représentées, nous relèverons les trois traits suivants : son insistance sur les bodhisattva, sur la multiplicité des bouddhas, enfin son retour à l'usage du sanskrit au détriment du pāli.

Les bodhisattvas et la dépréciation de l'état monacal

On a pu soutenir que l'idéal du Petit Véhicule était de réaliser le dharma – l'enseignement du Bouddha – alors que le but ultime du Grand Véhicule était de réaliser l'état de Bouddha, et il est vrai que la voie de bodhisattva, « l'être d'Éveil » qui finit par devenir bouddha, supplante dans la nouvelle religiosité la voie des Auditeurs, qui jouissait pourtant d'un antique prestige, puisqu'elle donnait pour modèles les grands disciples du bouddha Śākyamuni : Ānanda, Śāriputra, Maudgalyāyana... Divisée en de nombreuses étapes, cette voie royale commence par un premier pas qui est à la portée de tous : la « production de la pensée d'Éveil », c'est-à-dire la décision de devenir un jour bouddha. L'un des motifs les plus répétés du Sūtra du Lotus est l'annonce que fait le Bouddha à ses auditeurs qu'ils deviendront un jour à leur tour des Éveillés parfaitement accomplis. Dans l'inflation doctrinale qui caractérise la pensée du Grand Véhicule, on en viendra à affirmer que le premier pas est parfaitement identique à l'étape ultime, l'alpha et l'omega[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, section des sciences religieuses

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