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MAHFOUZ ou MAHFŪZ NAGUIB (1911-2006)

Naguib Mahfouz - crédits : Jean Bernard Vernier/ Sygma/ Getty Images

Naguib Mahfouz

Naguib Mahfouz (Nagīb Mahfūz), qui obtint le prix Nobel de littérature en 1988, domine le roman arabe de la seconde moitié du xxe siècle. De lui se réclament tant les auteurs de romans réalistes à la facture classique que les tenants du nouveau roman arabe porté par la génération des années 1960 ; un de ses principaux promoteurs, Gamal Ghitānī, consacre ainsi un livre entier à ses entretiens avec ce « père » spirituel (Najīb Mahfūz yatadhakkaru, trad. franç., Mahfouz par Mahfouz, 1980). De fait, à travers plus de cinquante romans et une dizaine d'autres œuvres de fiction, c'est d'un demi-siècle de développement et d'affirmation du genre romanesque dont l'œuvre de Mahfouz est porteuse, dans ses recherches multiformes, s'installant parfois aux limites de ce que la société pouvait accepter. Elle plie l'arabe littéraire à toutes ses exigences pour en faire un idiome tout aussi naturel dans la narration que dans les dialogues, ce qu'aucun n'avait su faire avant lui avec autant de réussite, et impose le talent de conteur de l'écrivain, en créant un univers narratif peuplé de toute la mémoire des vieux quartiers du Caire.

Le romancier du Caire

Né en 1911 au sein d'une famille de la petite bourgeoisie installée dans le quartier populaire de Gamaliyya, dans la vieille ville du Caire, Naguib Mahfouz, de quinze ans plus jeune que ses sept frères et sœurs, sort en 1934 de l'université avec une licence de philosophie, et un fort penchant pour la littérature, qu'il assouvira, en parallèle avec sa carrière de fonctionnaire. Il publie ses premières nouvelles dans la revue al-Majalla al-Jadīda créée par Salāma Mūsā : Hams al-Jun̄un (Murmure de folie, 1938).

Entre 1939 et 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, il commence à écrire et à publier des œuvres qui s'inscrivent dans la lignée du courant pharaonique soufflant avec force dans l'Égypte de l'entre-deux-guerres : 'Abath al-aqdâr (La Malédiction de Râ, 1939) prend sa source dans les mythes égyptiens antiques, Rādūbīs (L'Amante du Pharaon, 1943), est une dramatique histoire d'amour ; Kifāh Tība (La Lutte de Thèbes, 1944) conte le combat des Égyptiens pour se libérer des envahisseurs Hyksos et ressusciter l'Égypte unifiée autour de sa capitale, Thèbes. Beaucoup ont vu là des résonances très contemporaines, à l'heure où pesait encore la domination britannique dans le pays.

Délaissant la veine historique, Mahfouz va s'attacher ensuite à bâtir une œuvre romanesque autour des quartiers du Caire, en une suite de romans citadins qui l'ont totalement imposé. Al-Qāhira l-jadīda (La Belle du Caire, 1945) brosse le tableau d'une aristocratie déclinante, sur fond de dérive totalitaire de l'Égypte en 1934 ; Mahfouz croque la vie d'un quartier populaire durant la guerre dans Khān al-Khalīl̄ī (Le Cortège des vivants, 1946), explore les strates de la société dans Zuq̄aq al-Midaqq (Passage des miracles, 1947). Le monde des mendiants et des faiseurs d'infirmes y côtoie celui des commerçants et des petits fonctionnaires ; le romancier y suit aussi le destin malheureux des victimes de la ville moderne occidentalisée, mirage qui fait rêver mais où l'on peut se perdre.

Après al-Sar̄ab (Chimères, 1948) et Bid̄aya wa nih̄aya (Vienne la nuit, 1949), cette séquence de romans citadins culmine avec Bayna l-Qasrayn (Impasse des Deux-Palais, 1956), Qasr al-Chawq (Le Palais du désir, 1957) et al-Sukkariyya (Le Jardin du passé, 1957). Ces trois romans, écrits entre 1948 et 1952 et publiés après la révolution égyptienne conduite par Nasser, forment la Trilogie, qui reste l'œuvre la plus connue de Mahfouz. Elle fut récompensée par un prix d'État en 1957. Les romans précédents s'attachaient à préciser le fossé entre le monde traditionnel et la vie « moderne », avec les[...]

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Naguib Mahfouz - crédits : Jean Bernard Vernier/ Sygma/ Getty Images

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Autres références

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    En recevant le prix Nobel de littérature, en 1988, le romancier égyptien Naguib Mahfouz (1911-2006) donnait aux lettres arabes une reconnaissance internationale. Trop tardive peut-être, cette distinction n'en honorait pas moins une œuvre de fiction exemplaire. On peut considérer ainsi que la publication...

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