TALEGHANI MAHMOUD (1911-1979)
L'hodjāt ol-eslām Mahmoud Taleghani fut certainement l'une des figures les plus marquantes en même temps que le leader le plus unanimement respecté de la révolution iranienne de 1978-1979. Né près de Téhéran, il fit ses études de théologie à Qom. Arrêté pour la première fois – alors qu'il est encore étudiant – pour activités politiques en 1936, il passe cinq années en résidence surveillée. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il milite dans divers mouvements religieux et nationalistes, et voyage, en Palestine notamment. Au début des années 1950 il participe au mouvement du docteur Mossaddegh.
Après le renversement de ce dernier en 1953, il entre dans l'opposition clandestine au régime du shāh et fonde avec Mehdi Bazargan, en mai 1961, le Mouvement pour la liberté de l'Iran (Nezhat-e Azādi-e Iran).
Arrêté peu après en même temps que plusieurs autres dirigeants du M.L.I., il est condamné à dix ans de réclusion. Arrêté de nouveau en 1975, il est d'abord exilé à Zabol dans le Béloutchistan, puis encore condamné à dix ans de prison. Au cours de cette seconde détention, il noua des relations durables avec des opposants de toutes tendances, marxistes inclus, dont beaucoup restèrent imprégnés de ses conceptions progressistes de l'islam.
Sa libération, le 25 octobre 1978, avec quelque douze cents autres prisonniers politiques, reste l'une des grandes victoires et l'un des moments les plus émouvants de la révolution iranienne (plusieurs centaines de milliers de personnes l'attendent à la porte de la prison et devant son domicile). Dès lors, chef religieux (imām-jome) incontesté de la capitale, il joue un rôle déterminant, sous la direction de l'āyatollāh Khomeyni, dans le déroulement et le succès du soulèvement populaire contre le régime du shāh.
Après le retour de Khomeyni en Iran, en février 1979, Taleghani fait partie du Conseil de la révolution, mais n'assiste presque jamais aux séances. Fin mars-début avril, quand éclatent les premiers conflits avec les Kurdes, d'une part, et les Turkmènes, d'autre part, il est envoyé en mission de conciliation chez les uns et chez les autres, et son intervention met alors fin aux troubles (à Sanandadj, il est longuement applaudi par les Kurdes, tandis que les autres membres de la délégation gouvernementale sont conspués).
Pourtant élu triomphalement le 3 août à l'assemblée des experts chargés d'élaborer la Constitution de la République islamique, il ne participera pratiquement pas à ses travaux.
Cette mise à l'écart volontaire de Taleghani, justifiée par des raisons de santé, traduit aussi son profond désaccord avec certaines des méthodes du gouvernement postrévolutionnaire. Ce désaccord était entré dans une phase critique après l'arrestation en avril, par des comités Khomeyni, de deux des fils et d'une bru de l'hodjāt ol-eslām, membres du groupe musulman progressiste des Mondjahidin-é Khalq (« Combattants du peuple »). Après avoir fermé ses bureaux et quitté Téhéran en signe de protestation, Taleghani déclarait publiquement le 20 avril que les communistes (dénoncés peu auparavant par Khomeyni comme des « enfants de Satan ») « doivent exister » et que les minorités ethniques « doivent décider de leur sort ».
De même, au début de juin 1979, au cours d'une interview à la télévision, il réclamera un pouvoir laïque, précisant notamment : « Le véritable clergé n'accepte pas de postes ni de responsabilités au gouvernement ; le meilleur bastion du clergé, c'est la mosquée. » Mais, lors du grand affrontement d'août avec les Kurdes, il prendra nettement position contre le P.D.K.I. (Parti démocratique kurde d'Iran) et pour l'intervention de l'armée – prise de position qu'il tempérera cependant le 7 septembre, lors de la commémoration, au cimetière de Behesht-Zahrā, des massacres[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre DIGARD : directeur de recherche au C.N.R.S.
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