MAIMONIDE (M.)
Talmudiste, philosophe, savant, médecin, Rabbi Moïse ben Maimon, connu aussi sous l'acronyme de Rambam, est l'auteur de nombreux travaux, surtout de la MishnehTōrāh, « somme » en quatorze volumes de la Loi juive, et du Guide des égarés (ou des perplexes), traité philosophique d'une grande profondeur. À l'exception peut-être de Rachi (Rabbi Solomon ben Isaac), nul autre rabbin post-talmudique n'a eu plus d'importance que lui pour la formulation du judaïsme. La puissance d'un tel impact se trouve évoquée par cette expression populaire : « Depuis Moïse [le prophète] jusqu'à Moïse [ben Maimon], aucun autre Moïse ne s'est manifesté » (cf. Deut., xxxiv, 10). Son influence sur l'histoire de la philosophie a aussi été très importante. Tous les philosophes juifs postérieurs, y compris Spinoza, en ont bénéficié, ainsi que des penseurs chrétiens, Thomas d'Aquin en particulier.
De la logique à la « Mishneh Tōrāh »
Maimonide, né à Cordoue, en Espagne, étudia la Bible et le Talmud avec son père, Rabbi Maimon, qui était versé dans l'exégèse rabbinique ; en même temps, il s'adonna aux études scientifiques. Après la conquête de Cordoue en 1148 par la peu tolérante dynastie des Almohades, la famille Maimon dut quitter la ville et pérégrina à travers l'Espagne, l'Afrique du Nord – vivant quelque temps à Fez –, la Terre d'Israël, pour s'installer finalement en Égypte à Fostat (le vieux Caire), en 1165. C'est là que Maimonide écrivit ses magna opera et se fit connaître à travers le monde juif comme un maître spirituel et une autorité dans le domaine de la Loi. Il fut aussi médecin à la cour de Saladin au Caire, où il composa un traité d'hygiène de vie traduit en latin au xve siècle sous le titre de Regiminesanitatis, qui connut un grand succès, ainsi que neuf autres traités portant sur différents aspects de la médecine. Mort en Égypte, il fut inhumé en Terre d'Israël, à Tibériade.
Le premier livre de Maimonide est un court Traité de logique, qu'il écrivit en arabe (Ṣinā‘at al-Manṭiq), alors qu'il était encore adolescent. Cet ouvrage a été, dans sa version hébraïque (Millōt ha-Higgāyōn), le texte classique d'introduction à la logique aristotélienne pour les jeunes philosophes juifs jusqu'au début de la période moderne. Moïse Mendelssohn lui a consacré un important commentaire en hébreu. En 1158, Maimonide commença à rédiger son premier opus magnum, un commentaire arabe de la Mishnah (Kitāb al-Sirāj ; en hébreu : Séfer ha-Mā'ōr), qu'il acheva en 1168. Outre ses élucidations et ses interprétations de la loi rabbinique, cet ouvrage contient trois monographies sur des sujets philosophiques et théologiques : en premier lieu, l'introduction générale du commentaire examine les questions majeures concernant le fondement de l'autorité de la loi rabbinique, ainsi que la méthodologie de la transmission et de l'interprétation de celle-ci ; elle comprend aussi un développement sur le phénomène de la prophétie et sur sa relation avec la Loi. En deuxième lieu, l'introduction au chapitre x du traité de la Mishnah intitulé Sanhedrin aborde la question du véritable bonheur humain et contient aussi la fameuse interprétation de l'auteur concernant les treize « Principes du judaïsme » (l'existence, l'unité, le caractère incorporel et la priorité ontologique de Dieu ; l'interdiction de l'idolâtrie ; la prophétie et l'unicité de la prophétie mosaïque ; l'origine divine et l'authenticité de la Tōrāh ; l'omniscience de Dieu ; la récompense et la punition, le messie, la résurrection). Enfin, l'introduction au traité mishnaïque Abōt constitue une préparation à l'éthique et à la psychologie ; il est souvent édité[...]
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Écrit par
- Warren Zev HARVEY : docteur en philosophie, professeur au département de pensée juive de l'université de Jérusalem
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