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MAIMONIDE (M.)

Les énigmes du « Guide des égarés »

Ce grand ouvrage philosophique de Maimonide, le Guide des égarés (Dalālat al-Ha'irīn ; en hébreu : Mōreh ha-Nebūkhim), a été rédigé en arabe à la fin des années 1180 et traduit en hébreu du vivant de Maimonide par Samuel ibn Tibbon. Une seconde version en hébreu (plus littéraire, mais moins littérale) en fut faite peu de temps après, par Juda Alharizi, ainsi qu'une traduction latine (à la suite d'Alharizi) dans la première moitié du xiiie siècle. Le livre est, en réalité, un mélange de philosophie et de midrash (l'exégèse biblique de la méthode rabbinique) ; il contient de nouvelles interprétations, hautement originales, de sujets bibliques, tels que la Création, le Jardin d'Éden, Abraham, Moïse et Job. Du point de vue philosophique, il traite des problèmes de l'éthique, de la psychologie, de la philosophie de la nature et de la métaphysique, mais il est peut-être, plus encore, un ouvrage de philosophie politique ou juridique. On peut dire que son sujet principal est le rôle de la loi divine dans la communauté politique. L'ouvrage s'adresse à un étudiant, Joseph ben Judah ibn Sham'un, qui se trouve égaré ou rendu perplexe par le conflit apparent entre le judaïsme et la science ou la philosophie. Maimonide tente de lui montrer, et à tous ses autres lecteurs, que l'on peut être totalement fidèle à la fois à la tradition de la Bible et du Talmud et à l'investigation intellectuelle entièrement libre, telle que la requièrent la science et la philosophie. Il montre la solidarité mutuelle de la Loi divine et de la recherche rationnelle : chacune a besoin de l'autre. Par exemple, la première ordonne de connaître Dieu et de l'aimer, mais il ne peut être connu que par l'étude de sa création, c'est-à-dire par les sciences naturelles. De leur côté, la science et la philosophie enseignent que c'est dans l'excellence de l'esprit que consiste la véritable perfection humaine et que seule une loi divine, qui vise des buts spirituels aussi bien que purement matériels, est capable de créer une communauté politique dans laquelle cette excellence intellectuelle est aisément assurée.

Les enseignements du Guide des égarés sont foncièrement intellectualistes, et Maimonide redoutait qu'ils puissent nuire à des lecteurs qui n'auraient pas l'esprit scientifique et qui seraient alors incapables de remplacer une croyance religieuse naïve par une conviction religieuse raisonnée. Pour dissimuler à un tel public l'audace de ses enseignements, il donna à son Guide la forme d'un puzzle très élaboré, dont les énigmes ou rébus ne pouvaient être résolus que par un lecteur doué de sagacité critique. Par exemple, dans différents chapitres de l'ouvrage, il présente, de manière intentionnelle, des points de vue contradictoires, mais seul un lecteur entraîné aux méthodes rigoureuses de la logique et du discours scientifique sera capable de discerner les nuances ou allusions permettant de déterminer l'opinion véritable de l'auteur. Le fait que le Guide ait ainsi été écrit à la manière d'un puzzle en fait un livre tout particulièrement stimulant et exigeant. Aujourd'hui encore, quelque huit cents ans après sa rédaction, des spécialistes débattent encore de ses secrets. Maimonide écrivit aussi cinq autres responsa sur diverses questions de la Loi juive, plusieurs longues épîtres (par exemple, l'Épître sur le martyre, l'Épître au Yémen, l'Épître sur la résurrection, l'Épître sur l'astrologie), ainsi que divers traités scientifiques et médicaux.

Sa philosophie est aristotélicienne pour la logique, l'éthique et la philosophie de la nature, et platonicienne en matière de pensée politique. Il appartient à une école dont on peut dire qu'elle a été fondée par[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur au département de pensée juive de l'université de Jérusalem

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Maimonide - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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