MAINSTREAM ou MIDDLE JAZZ
Le mainstream désigne le jazz classique, celui des années 1930 et 1940. C'est l'époque des grands orchestres. Toutefois, ce style se poursuit bien après la naissance d'autres genres, comme le be-bop. Il ne désigne pas seulement une époque, mais aussi un style d'écriture : le swing.
Le style mainstream (« courant principal ») est le plus souvent dénommé middle jazz (« jazz du milieu ») ou, encore plus simplement, middle, dans les pays francophones. Il faut noter que le mot mainstream est un terme fourre-tout qui recouvre des musiques aussi diverses que celles de Duke Ellington, Count Basie, Benny Goodman, Fats Waller, Erroll Garner, Tommy Dorsey... En fait, cette appellation possède au moins deux sens : elle désigne tout à la fois un courant musical intemporel et une période limitée dans le temps, dite ère du swing ou âge d'or du jazz. Cette phase historique, « classique », qui passe pour la plus féconde et la plus équilibrée de toute l'histoire du jazz, connaît son plein épanouissement entre 1935 et 1945.
Le mainstream apparaît, à Kansas City ainsi qu'à New York, à la fin de l'ère New Orleans-Chicago-dixieland, c'est-à-dire vers 1928. La Nouvelle-Orléans a alors progressivement cessé d'être la capitale du jazz et de nombreux musiciens de Chicago ont rejoint New York. Le krach d'octobre 1929 va entraîner une crise mondiale et la fin provisoire de l'opulence aux États-Unis ; le New Deal, la nouvelle politique de Roosevelt destinée à relancer la croissance, n'entrera pas en vigueur avant 1933, qui est également l'année de l'abolition de la prohibition. En 1935 commence pour les musiciens une remarquable période de prospérité.
Le jazz de cet âge classique se caractérise, avant tout, par une nouvelle conception rythmique : en étant également accentués, les quatre temps de la mesure (« four* beats ») favorisent l'apparition du swing, ce phénomène rythmique propre au jazz ; il ne faut en effet pas oublier que les musiciens de cette époque jouent presque toujours pour la danse.
Le middle jazz va exercer son influence dans deux directions : le jeu des improvisateurs solistes et le répertoire des grands orchestres. Contrairement aux musiciens du style New Orleans, qui s'en tenaient à l'improvisation collective et se contentaient de paraphraser les thèmes au plus près, les solistes de la nouvelle tendance conquièrent une plus grande liberté en improvisant sur la trame harmonique des mélodies. Le recul de la polyphonie spontanée laisse la place à la prééminence des individualités. Le phrasé de ces nouveaux musiciens est beaucoup plus souple, moins staccato que celui des Néo-Orléanais. Le saxophone est de plus en plus employé. En général, les grands créateurs sont des Noirs, et les Blancs plutôt des copieurs.
Si les solistes s'expriment, le plus avantageusement, au sein de petites formations, il n'en demeure pas moins que l'âge du swing est aussi l'ère des grandes formations, l'apogée des big bands. Le jazz commence à devenir une musique écrite et le rôle de l'arrangeur prend de plus en plus d'importance. Le grand orchestre peut parfois être aussi au service d'un soliste (Fiesta in Blue, écrit par le pianiste Mel Powell pour Benny Goodman ; Concerto for Cootie, composé par Duke Ellington pour le trompettiste Cootie Williams ; Solo Flight, du guitariste Charlie Christian pour Benny Goodman...). Fletcher Henderson, Duke Ellington, Jimmy Lunceford, Count Basie, Chick Webb, Cab Calloway, Benny Goodman rencontrent la faveur du public. La musique de ces artistes plutôt conservateurs reflète bien davantage, dans l'ensemble, l'optimisme et la joie de vivre que quelque angoisse métaphysique.
La liste des musiciens de tout premier plan de cet âge classique serait interminable, tant les réussites ont été nombreuses.[...]
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Écrit par
- Jean-Louis CHAUTEMPS : saxophoniste, flutiste, compositeur et écrivain
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