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SAVOIE MAISON DE

Évolution vers la royauté

Les difficultés déjà perceptibles au xve siècle tournèrent au drame avec les ambitions contradictoires de la maison de France et de la maison d'Autriche : la possession des cols et celle de Nice, entre la Méditerranée et la Lombardie, étaient, en effet, objet de convoitise. Le duc Charles III, oncle de François Ier et beau-frère de Charles Quint, opta pour ce dernier et dut laisser la France occuper la Savoie de 1536 à 1559. La France vaincue restitua celle-ci à Emmanuel-Philibert, sans que disparût pour autant une situation ambiguë consistant pour les ducs de Savoie à donner des gages aux deux maisons ; des crises éclatèrent à plusieurs reprises, notamment en 1640-1645 avec Richelieu et Mazarin ( Victor-Amédée Ier, beau-frère de Louis XIII et du roi d'Espagne), en 1690-1697 et en 1701-1713 ( Victor-Amédée II, neveu de Louis XIV, d'esprit très indépendant). Ayant misé sur le bon tableau, le duc y gagna, au prix de deux invasions et du fort de Montmélian, le titre de roi de Sicile puis de Sardaigne et des lambeaux de terre en Italie. Au vrai, depuis 1559, les jeux étaients faits : la fortune de la dynastie se faisait en Italie, et l'abandon effectif de la Bresse et du Bugey (1601), celui de toute ambition du côté de Genève (1603) à la suite de l'invasion déprédatrice des Bernois en 1536 avaient bien marqué que désormais la route était barrée du côté de la France et de la Suisse. Chambéry perdit dès le règne d'Emmanuel-Philibert son rôle de capitale au profit de Turin.

À ces deux siècles mouvementés succède une période de calme. Dès le xvie siècle, mais surtout à partir du xviiie, la Savoie fait partie d'un domaine bien organisé avec des finances en ordre et des souverains aussi parcimonieux que leurs voisins de France sont dépensiers. Victor-Amédée II (1675-1730) préfigure les grands despotes éclairés du xviiie siècle. Il réorganise l'administration, met définitivement en place les intendants, fait surveiller les municipalités, met l'enseignement universitaire à la charge de l'État, mène à bien la codification des lois sous le nom de Royales Constitutions. Charles-Emmanuel III et Victor-Amédée III ont mis à leur actif l'établissement du cadastre (1738) et le rachat des droits féodaux.

Pendant ces trois siècles, la Savoie est, quant à elle, entièrement sous l'influence française, comme en témoignent le poète Marc de Buttet qui se rattache à la Pléiade, saint François de Sales au début du siècle suivant, l'abbé Vichard de Saint-Réal, historiographe de la maison de Savoie, et, un peu plus tard, le poète Jean-François Ducis. Les deux duchesses régentes, Christine de France (Madame Royale), sœur de Louis XIII, et Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours, protègent les arts et les lettres. Un moment, Marie Mancini tient salon à Chambéry comme, par la suite, M. de Conzié, ami de Rousseau. Ce sont des raisons politiques qui incitent Victor-Amédée II, pourtant gendre de Philippe d'Orléans, à mettre des entraves au séjour des nobles à Paris. Pourtant rien de la « philosophie des Lumières » n'est ignoré en Savoie à la veille de la Révolution, que ce soit parmi les notables (méthodes physiocratiques et société d'agriculture) ou dans le peuple, habitué par l'émigration à une pensée volontiers critique. Les artistes adoptent au xviie siècle le style jésuite et au xviiie le style baroque venu d'Italie et peu apprécié en France ; les retables ornent de nombreuses églises des régions les plus montagneuses. Il est à noter que, dans ces régions, tous les habitants savaient lire et écrire.

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