SAVOIE MAISON DE
Révolution, Empire, Buon Governo, Statuto
Le vent de réformes venu de France, le peu de propension des Piémontais à accorder leur considération aux Savoyards expliquent la facilité avec laquelle certains agents obtinrent un rattachement à la France le 20 octobre 1793. Cependant, le régime révolutionnaire n'a pas eu, en Savoie, beaucoup de succès. La province, devenue département du Mont-Blanc avec Chambéry pour chef-lieu, foulée par les troupes républicaines, avec ses hautes vallées occupées par les armées fidèles au roi et commandées par une partie de la noblesse traditionnelle, supporta mal l'Église constitutionnelle, la conscription et les réquisitions. Elle n'alla pourtant pas jusqu'à s'attirer des persécutions spéciales. Hérault de Séchelles, représentant en mission, y célébra Rousseau et l'amour ; le conventionnel Albitte s'en prit plus aux édifices religieux qu'aux citoyens. En 1798, le Chablais et le Faucigny sont rattachés à Genève (département du Léman). Sous Napoléon la grande politique italienne met de nouveau le Mont-Cenis à l'honneur. Soldats, blé, riz, coton passent le vieux col (le Grand-Mont-Cenis depuis le xiie siècle) où l'hospice est rouvert. Chambéry abrite d'importantes garnisons. Dans l'ensemble cependant le pays progresse peu, car une partie de l'élite a émigré (Joseph de Maistre), et la bourgeoisie est composée surtout de juristes disposant de faibles moyens financiers. En 1814, la conscription aidant, la lassitude est réelle et le besoin de retrouver la monarchie ancestrale se fait sentir. En 1815, le deuxième traité de Paris répond à cette aspiration tout en laissant Carouge à Genève.
Dès lors, commence le Buon Governo, période anachronique où la Savoie est un îlot de paternalisme absolutiste dans une Europe en fermentation. Charles-Félix (1823-1831) maintient tous les anciens usages ; Charles-Albert, en dépit d'heureuses initiatives, attend l'exemple de la France en 1848 pour octroyer à son peuple le Statuto, qui reprend en fait la Charte de 1815.
La période de 1848 à 1860 est pourtant celle de l'apprentissage de la vie politique moderne. Les institutions représentatives permettent aux notables de s'exprimer. Grâce à Cavour, qui élabora des projets de liaison ferroviaire, Genève-Gênes par le Fréjus puis à défaut Culoz-Turin, le pays retrouve sa vocation séculaire. Pourtant la monarchie glisse vers l'Italie et, comme elle se heurte au clergé, que sa politique est coûteuse et que la stagnation économique est toujours dominante en Savoie, les vieux ressentiments antipiémontais ressortent. Voués à l'amoindrissement dans une province devenue l'appendice d'un pays étranger, les notables préfèrent se rapprocher d'un autre État qui fait figure d'idéal, celui de Napoléon III. La politique étrangère de la France et celle du Piémont allant dans le même sens, l'unanimité répond à l'opération plébiscitaire du 23 avril 1860, mettant ainsi fin à une évolution à vrai dire sensible depuis trois siècles.
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Écrit par
- Jacques LOVIE : professeur au Centre universitaire de Savoie
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