SAHARA MAKOTO (1932-2002)
L'archéologue japonais Makoto Sahara est né à Ōsaka le 25 mai 1932 et mort à Sakura (département de Chiba) le 10 juillet 2002. Après des études d'allemand à l'université des langues étrangères d'Osaka, il se lance dans un doctorat d'archéologie à l'université de Kyōto. Chercheur au Centre national d'études archéologiques de Nara (Nabunken) pendant de longues années, il devient en 1993 l'un des responsables du Musée national d'histoire et d'ethnologie de Sakura dont il est nommé directeur général en 1997.
Auteur de plus d'une trentaine de livres, consacrés pour l'essentiel aux périodes Jōmon (15000 à 300 av. J.-C.) et Yayoi (du iiie siècle avant J.-C. au iiie siècle après J.-C.), il a renouvelé considérablement les méthodologies comme les problématiques des chercheurs travaillant sur ces périodes. D'une certaine façon, il symbolise l'essor nouveau pris par l'archéologie japonaise depuis les années 1970, dans la foulée d'une législation qui favorise les fouilles d'urgence.
Makoto Sahara est l'un des premiers protohistoriens à avoir délaissé une histoire politico-nationaliste à la recherche des ancêtres de la famille impériale et des origines de l'État, en vogue jusque dans les années 1960, pour se tourner vers une archéologie de la culture matérielle. Il cherchait à comprendre comment fonctionnaient les sociétés primitives établies autrefois dans l'archipel, en partant des données fournies par les techniques et les modes alimentaires. À contre-courant des vues générales de son époque, il démontra, que la société Yayoi (qui connaissait déjà le travail des métaux et la riziculture inondée) n'était pas une société pacifique de petits paysans débonnaires, mais une société déjà hiérarchisée où la guerre jouait un rôle important pour l'appropriation des surplus agricoles. En cela, il se heurtait à l'historiographie de son temps qui voyait dans l'essor des grands tertres antiques aux ive et ve siècles une rupture avec la période précédente que semblait confirmer une évolution dans le matériel funéraire (apparition de figurines d'hommes en armes, de représentations de chevaux, d'armes à caractère rituel). Sahara démontra que la théorie des « peuples cavaliers », selon laquelle des peuples nomades et éleveurs de chevaux venus du continent auraient alors migré dans l'archipel et provoqué une militarisation de la société, ne reposait sur aucune évidence. La « rupture » était le fruit d'une évolution politique interne liée à une accélération de la hiérarchisation sociale.
Sa théorie sur « les origines de la guerre » qu'il développa dès 1964 connut un certain succès : Sahara montrait que la guerre comme phénomène social était apparue dès les premiers siècles de l'époque Yayoi, avec l'émergence d'une société consacrant une grande part de son activité à la culture du riz. Par la suite, des découvertes archéologiques concernant les époques Jōmon plus anciennes et donc des sociétés où l'agriculture sèche était déjà pratiquée sous des formes primitives, montrèrent que le phénomène de la guerre existait déjà. Sahara n'hésita pas à revenir sur sa thèse précédente pour l'affiner et l'infirmer partiellement, faisant remonter « la première guerre » à l'apparition d'un habitat sédentarisé exploitant par la prédation et l'agriculture un territoire délimité.
Makoto Sahara publia également plusieurs études consacrées aux techniques du bronze à l'époque Yayoi, notamment les cloches de bronze (dōtaku), à la poterie au tour, à l'histoire de l'alimentation, développant des programmes de recherche visant à la création d'une « archéologie de la nourriture ». Il critiqua aussi avec vigueur « l'enfermement[...]
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Écrit par
- Pierre-F. SOUYRI : professeur à l'Institut national des langues et civilisation orientales, directeur de la Maison franco-japonaise,Tokyo (Japon)
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