MALADIES ÉMERGENTES VÉGÉTALES
Les végétaux, comme les animaux et les hommes, sont victimes de maladies causées par des agents pathogènes (essentiellement champignons, bactéries et virus). Une maladie est dite émergente lorsqu'elle était, avant sa détection, soit totalement inconnue, soit restreinte à certaines zones géographiques, ou encore considérée comme disparue ou bien contrôlée. Par sa nouveauté, une maladie émergente vient donc menacer des systèmes agricoles ou naturels jusque-là sous contrôle.
Ainsi, le 5 mars 2008, un communiqué de la F.A.O. a annoncé la détection, en Iran, d'une souche très virulente du champignon parasite responsable de la rouille noire du blé, Puccinia graminis f.sp. tritici. Initialement détectée en Ouganda en 1999, d'où son nom de « code » Ug99, cette souche s'est ensuite propagée au Kenya et en Éthiopie, où elle a causé des pertes de rendement significatives en 2007, puis au Yémen où elle a été également détectée en 2007. Depuis ce communiqué, la souche Ug99 a suscité un renouveau de l'effort de recherche sur cette maladie, avec notamment la mise en place de la Borlaug Global Rust Initiative (B.G.R.I.), projet international doté d'une charte et d'objectifs ambitieux pour lutter contre ce fléau. Le cas Ug99 amène à s'interroger sur la propagation des maladies émergentes, leur origine et les moyens à mettre en œuvre pour les endiguer.
Des maladies à propagation erratique mais inéluctable
Comment une souche de champignon identifiée depuis 1999 devient-elle du jour au lendemain « l'ennemi public numéro 1 » des cultures de blé, venant menacer les zones majeures de production, qu'il s'agisse de l'Asie centrale, du sous-continent indien ou de la Chine ? Ce champignon se multiplie à l'aide de spores microscopiques qui sont produites à la surface des tiges et des feuilles malades. Très légères et sphériques, ces spores, ainsi que celles de nombreux autres champignons parasites des plantes, sont particulièrement bien adaptées à la dissémination par le vent et peuvent « voyager » passivement sur de très longues distances.
Historiquement, de nombreuses émergences de maladies ont été provoquées par le transport aérien intercontinental de spores. Dernier exemple majeur en date, la rouille asiatique du soja (provoquée par le champignon Phakopsora pachyrhizi qui a été identifié au Japon en 1902), qui sévit en Amérique du Sud depuis 2001, a atteint le continent nord-américain en 2004 (plus précisément la Louisiane) « grâce » au cyclone Ivan et ne cesse depuis lors de progresser vers le nord.
La menace d'Ug99 qui pèse sur l'Asie est d'autant plus réelle qu'une souche virulente du champignon causant la rouille jaune du blé (P. striiformis) avait suivi un chemin analogue dans les années 1990 (cf. carte) et provoqué de gros dégâts dans le sous-continent indien.
La menace des maladies émergentes pour les plantes cultivées et les forêts n'est pas un phénomène nouveau. Historiquement, on peut citer l'épidémie européenne de mildiou de la pomme de terre entre 1845 et 1850, qui a eu des conséquences socio-économiques funestes sur tout le continent, puis, les épidémies d'oïdium (1847) et de mildiou (1878) de la vigne, qui ont fortement affecté la viticulture française et continuent encore à le faire sporadiquement. L'origine de ces épidémies est attribuée à l'introduction de matériel végétal infecté, ce facteur représentant la deuxième grande voie de propagation des maladies après le vent. Un recensement détaillé des maladies fongiques introduites en Europe depuis 1850 montre une croissance régulière du nombre de signalements, avec une accélération au cours des dernières décennies, les pays les plus touchés étant les grands importateurs de denrées agricoles.
Le réchauffement climatique favorise l'implantation[...]
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Écrit par
- Ivan SACHE : chargé de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.)
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