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MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES

Une géographie de l’émergence des maladies infectieuses ?

Dans la mesure où l’émergence d’une maladie dépend du contact de l’homme avec le virus ou la bactérie porté par un animal vivant dans une zone donnée, on s’attend à une distribution géographique de la maladie plus ou moins superposée à celle des espèces impliquées. Ce n’est que très partiellement exact. Une étude publiée par Nature en 2008 et souvent reprise, fondée sur les données épidémiologiques mondiales de la période 1940-2005, indique que l’Europe (et particulièrement les régions limitrophes de la Manche et de la mer du Nord) possède le plus fort taux de réémergence de maladies. Ce taux va de pair avec l’introduction d’espèces animales invasives, comme de petits rongeurs. L’interprétation de ce constat invoque l’intensité des transports en tous genres dans cette zone, la forte densité de population, l’intensité des échanges internationaux et l’existence d’un important réseau de surveillance sanitaire à tous niveaux qui permet de repérer le moindre signal. En fait, les maladies dites nouvelles que l’on décèle dans cette zone sont souvent des variations quantitatives de maladies connues comme la maladie de Chagas et diverses maladies du bétail, ou encore des accidents comme le paludisme dit « des aéroports ». Mais comme il a déjà été dit, ces contaminations accidentelles peuvent être à l’origine d’un foyer épidémique émergent (Zika, chikungunya, dengue, etc.).

En revanche, les lieux d’émergence de maladies jusque-là non décrites chez l’homme se situent presque invariablement dans la zone intertropicale, ou du moins en climat tropical –  Amérique du Sud, Afrique centrale, Asie du Sud-Est, Chine du Sud, Indonésie… – à l’exception notable de nombreuses fièvres hémorragiques, dispersées dans le monde entier. Leurs émergences sont liées à des contacts avec des réservoirs animaux situés dans des régions particulières des tropiques (bassin amazonien, bassin du Congo, Chine du Sud, Indonésie…). Il est tentant de les interpréter comme la conséquence de l’exploitation de territoires sylvestres et de certaines espèces animales, de la déforestation, et des mouvements de population qui accompagnent l’appropriation de ces terres par de nouveaux types d’agriculture induisant ces contacts, jadis inhabituels, entre faune et hommes.

Tous ces éléments ne suffisent pas pour établir une géographie bien précise. En fait, chaque émergence d’une maladie ou chaque réémergence possède ses causes et caractéristiques locales. On peut cependant tenter de les regrouper en fonction du rôle joué par l’homme, certain ou simplement possible, dans leur survenue :

– pénétration de la vie de l’homme dans des écosystèmes où l’on observe une répétition d’émergence de virus (Asie du Sud-Est, zones équatoriales d’Afrique et d’Amérique). Ce contact accidentel accru avec la faune sauvage, surtout du fait de la déforestation et du remplacement des écosystèmes anciens par des cultures nouvelles, responsable de l’apparition ou de l’amplification de nombreuses maladies telles que la plupart des fièvres hémorragiques, la maladie de Lyme et autres maladies à tiques, mais aussi la plupart des virus émergents d’Afrique et d’Amazonie ; on peut également citer l’émergence brutale (et tragique du fait des mutilations que la maladie provoque) de maladies comme l’ulcère de Buruli (découvert en 1897, mais qui connaît une expansion fulgurante depuis 1980) et des maladies à coronavirus ;

– chute de la biodiversité, permettant l’occupation d’écosystèmes par d’autres organismes que ceux qui y vivaient précédemment, éventuellement vecteurs de maladies transmissibles à l’homme ;

– absence de prise en compte des caractéristiques des écosystèmes lors de la réalisation de grands travaux hydrauliques (barrages, espaces[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Médias

Virus VIH et lymphocyte T4 - crédits : SPL/ AKG-images

Virus VIH et lymphocyte T4

Relations de parenté entre virus humains VIH et virus simiens VIS - crédits : Encyclopædia Universalis France

Relations de parenté entre virus humains VIH et virus simiens VIS

Tique en train de se nourrir - crédits : SPL/ AKG-images

Tique en train de se nourrir