MALADIES MENTALES
Le psychiatre dans la cité
Vers 1945, un mouvement de rénovation entreprit de donner un dynamisme nouveau à la psychiatrie en laissant à l'arrière-plan les soucis de classification pour valoriser l'action thérapeutique. La psychiatrie s'était enrichie de méthodes de traitement (méthodes de choc, psychothérapies individuelles et collectives, méthodes de rééducation fonctionnelle dites actives) qui ne pouvaient être pleinement utilisées dans les asiles traditionnels surencombrés. On chercha donc à faire sortir les malades pour les traiter à l'extérieur, puis à traiter les malades assez tôt à l'extérieur pour prévenir le plus possible l'hospitalisation. Ce mouvement s'accéléra à partir de 1952, date où apparurent les premiers médicaments dont l'action multiplia les effets thérapeutiques.
De plus en plus, la maladie mentale manifeste son double aspect, individuel et social. Son traitement ne consiste pas seulement en une modification de la structure personnelle du malade, mais dans la réinsertion sociale de ce dernier. Cela implique que soient éventuellement modifiées les attitudes du milieu familial et professionnel. Ce n'est pas seulement le milieu immédiat du malade qui doit être traité, mais la communauté dans son ensemble, si l'on veut qu'elle accepte en son sein, sans dommage, un nombre relativement important de sujets mentalement fragiles. Il s'agit en somme de traiter le malade dans la communauté, et pour cela d'aménager la santé mentale de cette communauté. Cela ne peut se faire que si le psychiatre et son équipe sont en mesure de contrôler le passage des patients de l'hôpital à la communauté et inversement, et de traiter sans discontinuité le patient aussi bien dans la communauté que dans l'hôpital.
Sous le nom de politique de secteur, les soins aux malades mentaux sont en voie d'aménagement sur une base où l'exclusion sera remplacée par une équilibration entre les exigences de santé mentale d'une collectivité donnée et la nécessité d'insertion sociale des malades de cette collectivité.
On appelle secteur psychiatrique une zone déterminée de population, limitée le plus habituellement par des critères géographiques, confiée à une équipe psychiatrique qui a la responsabilité de répondre au mieux aux besoins de prévention, de traitement et de réadaptation des malades du secteur, tout en préservant la santé mentale de la communauté. Un secteur doit être limité de telle façon que l'équipe puisse en connaître les caractéristiques humaines et culturelles. L'équipe, composée de psychiatres, de psychologues, d'assistantes sociales, d'infirmières, de rééducateurs, doit pouvoir disposer de moyens d'hospitalisation, mais aussi de moyens de traitement sans hospitalisation (hôpitaux de jour, consultations externes, soins à domicile). Le psychiatre est désormais dans la cité, veillant à équilibrer la santé de la population dans son ensemble et celle de chacun de ses membres. Pour ce faire, il doit éloigner temporairement certains malades qui seront traités dans une institution spécialisée, tandis que les conditions de leur retour seront préparées. Parfois, ces conditions impliquent l'aménagement de milieux artificiels au sein même de la cité : foyers ou ateliers protégés. La psychiatrie aujourd'hui, au lieu de consacrer l'aliénation, s'évertue à la prévenir. Il reste cependant des cas où l'hospitalisation prolongée demeure indispensable. Il importe alors que l'hôpital soit aménagé sur le mode d'une communauté artificielle et non comme une prison. Cette conception, généralement considérée comme un important progrès, est contestée par certains « antipsychiatres » pour qui toute forme d'organisation sociale visant à normaliser les conduites porte en germe un danger de répression.[...]
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Écrit par
- Paul SIVADON : psychiatre honoraire des hôpitaux, Paris, professeur émérite à l'Université libre de Bruxelles
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
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