MALAISIE ET INDONÉSIE, langues et littératures
L'évolution à la fois linguistique et historique fait qu'il est impossible de distinguer, avant le xxe siècle, entre une littérature de Malaisie et une littérature d'Indonésie. La séparation politique, conséquence du fait colonial, n'est intervenue que tardivement, et ses effets culturels, d'ailleurs limités, n'ont guère pu jouer avant la seconde moitié du xixe siècle. Pour les périodes plus anciennes, il faut donc distinguer deux grandes littératures, correspondant chacune à une aire géographique et à une langue déterminées : d'une part, la littérature javanaise, qui fleurit dans les cours successives de l'île de Java ; elle n'apparaît guère pour nous avant le xiie siècle et atteint trois sommets, au xive, au xvie, puis au xviiie siècle ; d'autre part, la littérature malaise, qui se développe surtout dans les cours islamisées du nord de Sumatra et de la péninsule malaise (et de là gagne les autres ports de l'Archipel) ; apparue sans doute dès le xve siècle, avec le premier grand mouvement d'islamisation, elle atteint son apogée au xviie siècle, mais se poursuit jusqu'au xixe siècle.
Reprenant ensuite, pour le xxe siècle, les divisions politiques, on évoquera d'abord la littérature indonésienne, qui fleurit surtout à Batavia (aujourd'hui Jakarta), dans une langue, l'indonésien, qui n'est en fait que l'état récent de ce qu'on appelait auparavant le malais, puis, brièvement, la littérature qui s'est développée parallèlement à Singapour et à Kuala Lumpur.
Les langues
Le groupe « nousantarien »
Quoique très différentes entre elles, les langues parlées dans ce qu'il est convenu d'appeler « le monde malais » (archipel insulindien, péninsule malaise et Philippines) présentent assez d'analogies, au point de vue de la structure et du vocabulaire, pour que les linguistes en aient fait un seul groupe au sein de la grande famille austronésienne ; ce groupe, parfois qualifié d'« indonésien », peut l'être aussi de « nousantarien » (de nusantara, « archipel », en malais) ; le malgache de Madagascar en fait également partie. Polysyllabiques et monotonales, les langues nousantariennes se distinguent nettement des langues à tons d'Indochine (tibéto-birman, parlers thaï), ainsi que des parlers môn-khmers ; certains parlers nousantariens sont encore vivants chez quelques populations résiduelles du continent (radé, jörai, cham). À l'est, la frontière est assez nette avec les parlers mélanésiens (généralement considérés comme austronésiens, au même titre que les parlers nousantariens et polynésiens) ; ceux-ci occupent d'ailleurs une partie du territoire de la République d'Indonésie : nord de l'île de Halmahera et Irian (Nouvelle-Guinée).
En Indonésie même, la situation linguistique paraît à première vue très complexe (cf. carte des langues in Atlas van Tropisch Nederland, Batavia-Amsterdam, 1938), et certains auteurs sont allés jusqu'à parler de « trois cents langues différentes » ; il ne s'agit en réalité que d'une vingtaine de langues principales, dont il existe bien sûr d'assez nombreuses variétés dialectales.
À Sumatra, on trouve : dans l'extrême Nord en pays Acéh, l'acihais, qui témoigne d'une certaine tendance au monosyllabisme et qu'on a voulu (H. K. J. Cowan) rapprocher du cham, parlé en Indochine ; plus au sud, autour du lac Toba, le groupe batak, qui se subdivise en quatre parlers principaux ; dans l'Ouest (arrière-pays de Padang), le minangkabau ; dans le Sud, les parlers lampunget rejang ; sur les côtes, et, plus particulièrement, dans l'est de l'île, le malais, très voisin de celui de la péninsule malaise (migrations nombreuses à travers le détroit).
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Écrit par
- Denys LOMBARD : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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