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MALAISIE ET INDONÉSIE, langues et littératures

La littérature malaise

La littérature malaise comprend au moins deux veines : une, populaire, qui alimente un grand nombre de contes et d'apologues, ainsi que des poèmes courts, de quatre vers, les pantun ; et une veine plus élaborée, sinon savante, qui inspire les œuvres de cour (romans, chroniques, longs poèmes, ou syair, traités philosophiques et religieux) rédigées dans les grands sultanats des xve, xvie et, surtout, xviie siècles : Malaka, Acéh, Johor, et constituant ce qu'on appelle parfois la littérature malaise « classique ». Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit, à l'origine, d'œuvres surtout faites pour être récitées ou lues à haute voix, avec ou sans accompagnement musical. Contes et apologues étaient racontés par des narrateurs professionnels, les penglipur lara, ou « adoucisseurs de soucis », et l'on sait que, dans les palais princiers, les chroniques étaient récitées un peu à la façon des chansons de geste en Occident. À la veille de l'attaque de Malaka par les Portugais (1511), les officiers de la cour se firent réciter des passages de l'Histoire de Amir Hamza, afin de mieux se préparer au combat, et, en 1620, le voyageur français Beaulieu, de passage à Acéh, note que, après l'avoir reçu à dîner, le sultan « fit venir quinze ou vingt de ses femmes qui accordèrent leurs voix avec quelques petits tambours, chacune en ayant un à la main, et chantèrent les conquestes que ce roy a fait de son règne ».

Cette littérature étant surtout faite pour être goûtée par l'oreille, les formules stéréotypées et les répétitions sont relativement nombreuses ; quant aux manuscrits qui nous l'ont transmise, ils n'avaient souvent qu'un rôle accessoire, celui d'aide-mémoire. Ceux qui nous sont parvenus (en écriture arabe et sur papier) sont presque tous récents (xviiie et, surtout, xixe s.) ; seuls quelques rares exemplaires ont été rapportés en Europe dès le xviie siècle. Les œuvres étant généralement non datées, les questions de chronologie sont encore à l'étude, et le plus simple, ici, est de présenter la matière par grands genres.

Une question a fait l'objet d'âpres controverses, celle de l'originalité de cette littérature. Il est indéniable que son essor est à mettre en rapport direct avec les progrès de l'Islam dans l'Archipel, avec le développement du commerce musulman, et donc avec l'arrivée d'étrangers venus d'Inde (Gujrat, Bengale), d'Iran ou du Moyen-Orient ; l'écriture arabe fut adaptée afin de servir à la notation du malais (la plus ancienne inscription malaise en caractères arabes date de la fin du xive s.) et la langue se chargea alors d'un très grand nombre de néologismes arabes ou persans. Parallèlement, les œuvres malaises présentent bon nombre de réminiscences et d'emprunts aux littératures de l'ouest de l'océan Indien ; parfois même, les sujets sont identiques, et il s'agit de traductions ou de paraphrases. L'originalité de la littérature malaise n'en est pas moins manifeste, et la grande majorité des œuvres témoigne d'une inspiration indépendante. Les modèles arabes ou persans n'ont joué qu'un rôle de stimulus, comme l'avaient fait naguère les modèles indiens pour la littérature javanaise, et comme les modèles grecs et latins le faisaient à peu près au même moment pour les littératures européennes de la Renaissance.

Adaptations des épopées indiennes

Comme à Java, islamisation ne signifie pas ici rupture avec le passé indianisé. Parmi les textes malais les plus anciens, on trouve des épisodes adaptés du Mahābhārata, comme l'Histoire des cinq Pandawa (Hikayat Pandawa lima) et l'Histoire de Boma (Hikayat Sang Boma), ou encore du Rāmāyaṇa, comme l'Histoire de Rama (Hikayat Seri Rama[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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