MAMMIFÈRES PLACENTAIRES (ORIGINE DES)

Nouvelles méthodes de traitement des données moléculaires

Cependant, dans les années qui ont suivi, devant la levée de boucliers que de telles propositions suscitaient, même dans le camp des molécularistes, des critiques sévères de ces premiers résultats ont été publiées. Les plus pertinentes font le constat que, d'une part, un nombre limité de gènes et un nombre tout aussi limité d'espèces sont connus ; d'autre part, il est patent que les taux d'évolution des gènes sont variables. Ainsi l'idée est venue à certains chercheurs, pour tenir compte de ces sources d'erreur, d'utiliser, dans leurs calculs de probabilités, des algorithmes particuliers (algorithmes bayésiens) pour le traitement statistique des matrices de données. Ils ont développé une nouvelle technique dite de l'horloge moléculaire relaxée. Dès lors, des résultats plus en accord avec le registre fossile ont été proposés. Cependant, la controverse était loin d'être éteinte jusqu'à la parution, en 2013, des travaux de A. O'Leary et de ses collaborateurs. Le grand mérite de cette étude est d'avoir associé, dans une même matrice, des données morphologiques et des données moléculaires. De plus, l'analyse de parcimonie qui en découle a débouché sur la construction d'un seul arbre phylogénétique (alors que souvent elle aboutit à plusieurs propositions d'arbres). Celui-ci a été élaboré à partir de 4 541 caractères morphologiques observés chez 86 espèces actuelles et 40 espèces fossiles représentatives des ordres reconnus. S'y ajoutent, pour les mêmes espèces actuelles, les caractères moléculaires de 27 de leurs gènes nucléaires. Voici donc rajeunie de plus de 35 millions d'années la date de naissance de tous les ordres de mammifères placentaires modernes, après la limite Crétacé-Tertiaire et l'extinction des dinosaures, y compris l'émergence de l'ordre des Primates. Ces mêmes auteurs observent que Protungulatum donnae du Crétacé supérieur et du Paléocène inférieur (64 millions d'années) possède la plupart des caractères de l'archétype ancestral idéal qu'ils placent à l'origine de la lignée des mammifères placentaires. Il se trouve que les reconstitutions proposées pour ce petit animal ne sont pas sans évoquer l'actuel toupaye de Malaisie. Et, d'une certaine façon, ces auteurs rejoignent une idée avancée par Teilhard de Chardin dès 1956. Celui-ci envisageait dans « l'apparition de l'homme » que ces petits animaux « à allure d'écureuil » pouvaient être assimilés à des pré-primates.