MAMMOUTH DE DURFORT
Le mystère du crâne de Durfort
L’analyse des caractéristiques du squelette a confirmé que le mammouth de Durfort est un jeune mâle adulte, âgé d’environ vingt-cinq ans lors de sa mort. La mise en œuvre de moyens d’imagerie moderne par tomographie à rayons X a permis de « voir à travers » certains éléments squelettiques pour percer leurs mystères. Le crâne a notamment été l’objet d’une attention particulière. Sa morphologie est, à bien des égards, surprenante : la forme de l’orifice nasal est inhabituelle, les fosses et les bosses temporales plutôt typiques de ce que l’on observe chez les éléphants actuels d’Asie, et le front ne présente pas la concavité attendue. Compte tenu de ses dimensions hors gabarit – plus d’un mètre de largeur et de hauteur – il a été nécessaire d’envoyer ce crâne au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Cadarache pour réaliser sa tomographie.
Les résultats ont démontré très clairement que l’essentiel de ce crâne a été reconstruit : à partir d’une armature métallique sur laquelle est fixée une structure de bois, la surface a été largement sculptée en plâtre. Les rares éléments osseux de ce crâne – au niveau de l’occiput, des arcades zygomatiques et de l’insertion des défenses – ont ainsi été noyés dans cette masse de plâtre.
Faute d’archives documentaires relatant pourquoi et comment le crâne de Durfort a été reconstruit, l’histoire de cette restauration demeure largement énigmatique. Un dessin du crâne existe – réalisé par Cazalis de Fondouce – qui démontre son intégrité au moment de son excavation. Il se serait ensuite rapidement abîmé, faute de consolidation initiale. Dans quel état est-il arrivé à Paris ? Nul ne le sait. Il est en tout cas probable que, pour sa reconstitution, modèle aura été pris sur la morphologie crânienne des éléphants d’Asie, faute de crâne de mammouth alors disponible dans les collections du Muséum.
En dépit de ces nouvelles observations, le crâne de Durfort a été remis en place sans modification après restauration. Il a en effet été impossible de libérer les fragments osseux et les dents de leur sarcophage de plâtre sans risquer de les détruire. Et, même si l’on pouvait aujourd’hui proposer une morphologie plus respectueuse de l’anatomie crânienne du mammouth, elle n’en resterait pas moins une version très approximative, voire fantasmée. La morphologie originale est bel et bien perdue, et le crâne actuel raconte en lui-même l’histoire du spécimen.
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Écrit par
- Régis DEBRUYNE : ingénieur de recherche en paléogénétique au Muséum national d'histoire naturelle (Paris), spécialiste de l'histoire évolutionnaire de la famille des éléphantidés
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Médias