MAMMOUTH DE DURFORT
Un programme de recherche pluridisciplinaire
La restauration du mammouth de Durfort a également offert l’occasion de relancer des travaux scientifiques d’une équipe d’une vingtaine de personnes du Muséum. Depuis l’arrêt des fouilles de Cazalis de Fondouce, en 1876, le site paléontologique de Durfort n’avait plus connu de recherche d’envergure. Ce gisement paléontologique révèle néanmoins un riche matériel fossile. La faune présente des associations d’ossements de mammouth méridional, de bisons des forêts, de rhinocéros et de cervidés caractéristiques des habitats forestiers, mais aussi des restes fossiles d’hippopotames, de crapauds et poissons qui trahissent la présence d’un point d’eau dans lequel le mammouth serait mort embourbé, permettant sa fossilisation sur place. La flore, quant à elle, recèle des espèces subtropicales reliques, associées à des variétés méditerranéennes de chêne, de pin et de hêtre. Ces communautés dépeignent un environnement tempéré, probablement légèrement plus humide qu’aujourd’hui, caractéristique des périodes dites « interglaciaires » au cours desquelles le redoux du climat a permis l’expansion des forêts sur le pourtour méditerranéen.
Néanmoins, le calage chronologique précis du site de Durfort demeure incertain : après un âge de 2,5 Ma (Pliocène) initialement proposé, celui de 1,5 Ma (Pléistocène) est généralement admis. Le projet de recherche amorcé en 2022 par le Muséum national d’histoire naturelle, avec le soutien de la mairie de Durfort-et-Saint-Martin-de-Sossenac, vise en particulier à résoudre cette question de la datation. Il fait la synthèse de multiples méthodespour resserrer l’intervalle de confiance sur l’âge du gisement : études de pollens et des restes végétaux, analyses de la macrofaune et de la microfaune, sédimentologie, paléomagnétisme et biogéochronologie. Sa mise en œuvre est complexe : le site historique du mammouth étant aujourd’hui inaccessible (largement remblayé et situé sur un terrain privé), il a fallu explorer de l’autre côté de la route, à une soixantaine de mètres environ. Le risque que cette démarche soit infructueuse – du fait de l’incertitude liée aux contours du paléolac de Durfort et des multiples failles tectoniques qui marquent ce terrain – était important. Toutefois, le nouveau sondage effectué, de 4,5 mètres de profondeur, a rapidement mis au jour les niveaux d’argiles bleutées réputées fossilifères par les découvreurs du site, ainsi que de nombreux restes végétaux (tronc de chêne, pommes de pin, etc.) et animaux (dents d’hippopotames, squelette de cervidé) qui attestent de la contemporanéité des couches sédimentaires avec celles du mammouth. Les prélèvements nécessaires à la datation – en particulier des sédiments de toute la colonne stratigraphique – ont ainsi pu être réalisés. Les premiers résultats obtenus pointent un âge plus récent, probablement entre 800 000 ans et 1,2 Ma, ce qui ferait potentiellement du mammouth de Durfort l’un des derniers représentants de son espèce, qui s’est éteinte il y a un peu moins de 800 000 ans. Les recherches en cours permettront encore de préciser l’âge de ce site dans les années à venir.
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Écrit par
- Régis DEBRUYNE : ingénieur de recherche en paléogénétique au Muséum national d'histoire naturelle (Paris), spécialiste de l'histoire évolutionnaire de la famille des éléphantidés
Classification
Médias