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RAY MAN (1890-1976)

Man Ray - crédits : Slim Aarons/ Hulton Archive/ Getty Images

Man Ray

Pionnier, avec Marcel Duchamp et Picabia, du mouvement le plus radical de l'art moderne qui, de Dada au surréalisme, traverse jusqu'à notre époque tout le champ des arts visuels, Man Ray a largement contribué, par son œuvre polymorphe : tableaux, objets, assemblages, photographies et films, à élargir l'horizon et la conscience des peintres. De son nom Emmanuel Rudnitsky, dont il a tiré les deux syllabes solaires de son célèbre pseudonyme, il avait découvert Cézanne, les masques africains et Brancusi dès 1911, à la galerie d'Alfred Stieglitz à New York, avant de voir les œuvres de Duchamp et de Picabia à l'Armory Show de 1913, et de rencontrer Duchamp en personne en 1915, puis Picabia. Mais c'est à travers Adon Lacroix, une femme singulière, poète, admiratrice de Rimbaud, Lautréamont et Apollinaire, que Man Ray a pris la mesure poétique de la révolution de l'art moderne. Il avait passé sa jeunesse à Brooklyn, et fréquenté le « Ferrer Center », qui fonctionnait à New York selon les principes de l'éducateur anarchiste catalan Francisco Ferrer Guardia (« tout y était gratuit [les cours de dessin, d'aquarelle], même l'amour »). Formation anarchiste déterminante, puisqu'elle le libéra très tôt du respect des valeurs établies, désacralisa à ses yeux les techniques d'expression traditionnelles et l'encouragea à ne suivre que sa propre nécessité individuelle dans toutes ses innovations. Refusant toute hiérarchie entre la peinture et la photographie, il considérait la caméra et le pinceau comme des instruments équivalents à ce qu'est la machine à écrire pour un écrivain. Aussi a-t-il apporté la même marque d'originalité à son œuvre de photographe et de cinéaste qu'à son œuvre de peintre ou d'assembleur d'objets. Il a raconté les circonstances de son aventure dans un livre : Autoportrait, qui, s'il ne suffit pas à tout saisir d'un homme difficile à cerner, éclaire sa personnalité et son œuvre à la lumière d'un humour paradoxal, mélange de sérieux et d'indépendance sereine à l'égard de tout jugement.

L'Ingres du XXe siècle, et ses violons

Avant de débarquer à Paris le 14 juillet 1921, Man Ray avait déjà accompli aux États-Unis des œuvres décisives, sans précédent dans son pays. Sa formation de dessinateur industriel, qui le prédisposait à devenir ingénieur ou architecte, l'incitait, en tant que peintre, à utiliser des outils de précision : la composition et le dessin de son tableau, La Danseuse de corde s'accompagnant de ses ombres, de 1916, ont été préparés à l'aide de papiers découpés. Contrairement aux futuristes, Man Ray y évoque le mouvement avec la froideur d'un géomètre, et les aplats de couleur y devancent non seulement les papiers découpés de Matisse, mais l'abstraction géométrique. Transmutation, un collage réalisé la même année que la naissance de Dada à Zurich (1916), bafoue l'esthétique des papiers collés cubistes en utilisant comme fond la page entière d'un journal, sur laquelle sont peintes des lettres, des chiffres disposés au hasard autour du mot « Theatr ». Comme Duchamp, Man Ray n'avait pas attendu l'irruption de Dada en Europe pour détourner les formes mêmes des avant-gardes reconnues de l'époque ; la petite revue The Ridgefield Gazook no 0 (31 mars 1915), qu'il a publiée dans la communauté anarcho-artistique de Ridgefield où il vivait alors avec Adon Lacroix, devance même les publications dada. En 1917, en enserrant des planchettes de bois dans un étau et en les intitulant New York, il transforme le « ready-made » duchampien en sculpture ; le tirage qui en a été fait en bronze un demi-siècle plus tard a magnifié ses qualités plastiques, de même que celui de deux objets de 1918 : By itself I et II[...]

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Man Ray - crédits : Slim Aarons/ Hulton Archive/ Getty Images

Man Ray

Autres références

  • MAN RAY, LA PHOTOGRAPHIE À L'ENVERS (exposition)

    • Écrit par
    • 1 308 mots

    La troisième exposition consacrée par le Musée national d'art moderne à l'œuvre de Man Ray (présentée aux Galeries nationales du Grand Palais du 29 avril au 29 juin 1998) montrait pour la première fois une partie du fonds considérable reçu en dation par le Musée en 1994, complété par un...

  • ABBOTT BERENICE (1898-1991)

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    • 801 mots

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  • ANTI-ART

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    ...résistance critique contre les mythes, contre les poncifs, contre le professionnalisme de l'art. Les ready-made de Duchamp – ainsi que les objets de Man Ray – ont servi de balises, sinon de repères, dans cette clandestine aventure. Tout s'est donc passé comme si Breton laissait faire Duchamp dans un...
  • CHEFS-D'ŒUVRE PHOTOGRAPHIQUES DU MOMA. LA COLLECTION THOMAS WALTHER (exposition)

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    ...l’exposition reflète l’émulation créative des communautés d’artistes européennes et américaines de l’entre-deux-guerres gravitant alors à Paris. L’Américain Man Ray réalise un portrait caustique de Joseph Stella et Marcel Duchamp (Trois têtes, 1920), sa compatriote Berenice Abbott saisit l’élégance de James...
  • DADA

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    ...mécanomorphes de Picabia précèdent Dada), sont les ambassadeurs de Dada à New York. Tous deux encourageront les premières expérimentations de l'Américain Man Ray, dont les films constituent un des rares apports de Dada au cinéma et à la photographie, aux côtés des expériences étonnantes menées par les Allemands...
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