MANCHE
Géologie
La Manche est le résultat d'une subsidence née, sans doute fort anciennement, de la distension du bloc continental européen : un « bâillement océanique », analogue à celui qui a ouvert le golfe de Gascogne, semble s'être manifesté ici par la montée d'une sorte de dorsale constituée de roches basiques, dont la trace se suit, grâce aux levés aéromagnétiques, depuis la Sole jusqu'aux volcans d'Auvergne, en passant par l'île de Wight. Mais le mouvement a avorté, et il n'en est resté qu'une dépression allongée qui, dès le Permo-Trias, a commencé à se combler tout en gardant une certaine tendance à la subsidence.
La Manche orientale est le prolongement géologique des bassins de Paris et de Londres : les dépôts crétacés, masqués au centre des bassins les plus subsidents par des dépôts tertiaires, forment une cuvette bordée, autour de Boulogne-sur-Mer et le long de la limite de la Manche occidentale, par du Jurassique. Certains des mouvements tectoniques « récents » affectant ces dépôts sédimentaires ne sont que le prolongement de ceux des terres émergées voisines : l'anticlinal du Weald et du Boulonnais traverse le pas de Calais (bordé toutefois sur son flanc méridional par une flexure vigoureuse qui n'a guère d'équivalent à terre), et la flexure médiane de l'île de Wight peut être suivie en mer de part et d'autre. De même la faille de Fécamp se prolonge en mer, en prenant bientôt une orientation est-ouest, et va former, au large du Cotentin, le flanc sud des affleurements du Jurassique. D'autres accidents, au contraire, sont propres aux régions submergées : c'est le cas de la grande flexure parallèle aux côtes de haute Normandie et de Picardie, flexure qui a déterminé le tracé du littoral, et qui paraît relativement récente, puisqu'elle a affecté le Tertiaire inférieur.
La Manche occidentale, en revanche, est un entonnoir synclinal ouvert vers l'ouest. Bordée sur ses deux flancs par des massifs hercyniens, elle a eu une histoire complexe, dont témoigne la disposition des dépôts sédimentaires : tout se passe comme si l'axe synclinal avait été initialement orienté est-ouest, et tout proche des côtes britanniques, devant lesquelles on trouve d'importants affleurements de Permo-Trias qui n'ont pas leur équivalent du côté breton. Plus tard, la Manche occidentale semble avoir été exondée pendant tout le Jurassique, qui n'est connu qu'à l'est et comme un golfe de la mer anglo-parisienne. Le Crétacé marque, au contraire, l'ouverture définitive vers l'Océan, et, à partir du Sénonien, la Manche, plus étendue qu'à aucune autre époque, déborde même au-delà des rivages actuels. Quant au Tertiaire, il est surtout abondant au sud, où il vient buter, à des profondeurs plus grandes à l'ouest qu'à l'est, contre le massif hercynien dont les roches les plus résistantes, telles celles des Minquiers ou des Roches-Douvres, dominent d'assez haut les régions environnantes (alors que les îles Anglo-Normandes semblent plutôt dénivelées par des failles récentes). Enfin, sans doute assez récemment, un anticlinal axial, qui rappelle l'anticlinal du Bray et qui est bordé par des failles conformes, s'est développé du large de la Hague au large d'Ouessant (et au-delà). Plus récemment encore, un aplanissement (peut-être miocène) a tronqué les dépôts sédimentaires ainsi soulevés et disjoint les affleurements du Crétacé supérieur et de l'Éocène, faisant apparaître dans l'axe soit du Crétacé inférieur, soit un Jurassique analogue à celui du Bray et, peut-être, façonné comme lui en boutonnières.
Totalement exondé à plusieurs reprises au cours du Quaternaire, le fond de la Manche a été alors soumis à un climat périglaciaire responsable d'une active cryoclase[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre PINOT : professeur à l'université de Bretagne-Occidentale, Brest
Classification
Média
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