MANCHE
Hydrologie
Les marées de la Manche sont fortes et originales. L'onde lunaire principale semi-diurne aborde de front l'entrée de la Manche, et y pénètre lentement, tout en renforçant très sensiblement son marnage du fait des faibles profondeurs. Un grand nombre de phénomènes de résonance, dus à la forme et à la topographie du bassin, compliquent la marée. D'une part, à l'onde progressive venue de l'Océan se superpose une onde stationnaire, dont la ligne nodale joint le Cotentin à l'île de Wight : le bassin occidental est à pleine mer quand le bassin oriental est à basse mer, et d'importants échanges d'eau entre les deux bassins s'opèrent à chaque marée. D'autre part, des seiches transversales, à périodes quart-diurnes, propres à chacun des deux bassins, se combinent avec les ondes semi-diurnes de telle sorte que le marnage est renforcé sur la côte sud et atténué sur la côte nord. Ces combinaisons très particulières, qui seraient sans doute complètement modifiées par des changements modérés dans le niveau moyen de la mer, aboutissent à des marnages localement très importants (16 m à Granville lors des vives-eaux les plus fortes) et à des courants d'une extrême violence, surtout là où passent obligatoirement les eaux qui se rendent du sud du bassin oriental vers le sud du bassin occidental. Le long du cap de la Hague, au raz Blanchard, le courant atteint huit nœuds (4 m/s) en vive-eau, et on a observé plus de dix nœuds en vive-eau exceptionnelle. Même au large, des courants de deux nœuds et demi se font sentir à chaque mi-marée.
Les houles dominantes sont celles qui viennent de l'Atlantique nord et ont déjà été réfractées en traversant la mer Celtique ; fortement freinées sur le fond, ces houles longues engendrent des déplacements d'eau. Les houles d'été, qui viennent du nord-ouest, affectent surtout la moitié sud de la Manche occidentale, et la dérive des eaux s'effectue vers l'est en longeant la côte sud ; à hauteur du Cotentin, ce courant se divise, une faible partie des eaux traversant la Manche orientale pour aboutir en mer du Nord, le reste revenant vers l'ouest en longeant la côte anglaise. Les houles d'hiver, engendrées par des perturbations à trajet plus méridional, viennent plus souvent du sud-ouest et affectent préférentiellement le nord de la Manche occidentale : c'est donc le long des côtes anglaises que se place alors le courant portant vers l'est, et le retour partiel s'effectue le long des côtes bretonnes ; ce régime hivernal, qui ne s'établit guère avant décembre, dure jusqu'au milieu du printemps (il a été responsable, en avril-mai 1967, de l'échouage sur les côtes trégoroises du pétrole libéré par le naufrage, aux Sorlingues, du Torrey-Canyon).
Le courant général portant à l'est, lié aux houles longues et donc aux grandes tempêtes de l'Atlantique nord, est plus vif en hiver qu'en été : aussi les entrées d'eau océanique en Manche sont-elles plus importantes en hiver, et les salinités généralement plus élevées ; ce n'est que près des côtes que la salinité descend en hiver au-dessous de 35 0/00, alors qu'en été celle de presque toute la Manche orientale est au-dessous de cette valeur. Quant à la température de l'eau, elle n'atteint en été 17 0C que près des côtes, et descend en hiver au-dessous de 10 0C dès l'entrée de la Manche, avec un gradient bien marqué jusqu'au pas de Calais, où elle est, en février, de 6 0C. L'une des particularités de la Manche est son homothermie habituelle, qui est due au brassage de l'eau par les courants de marée et à la topographie irrégulière du fond, là où les courants sont les plus vifs. Ce n'est qu'à l'ouest du 3e degré ouest qu'une thermocline parvient,[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre PINOT : professeur à l'université de Bretagne-Occidentale, Brest
Classification
Média
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