Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

OLSON MANCUR (1932-1998)

Né dans le Dakota du Nord, Mancur Olson effectua l'essentiel de sa carrière au département d'économie de l'université du Maryland, où il dirigea un centre de recherche spécialisé dans le soutien aux économies en développement. C'est cependant son œuvre théorique, exprimée surtout dans The Logic of Collective Action (1965) qui assura son renom. Olson s'y interroge sur les fondements de l'action collective, plus précisément sur le mode de mobilisation des divers groupes animant la vie économique et politique. Une idée largement répandue est que ces derniers sont l'expression des intérêts communs de leurs membres : cartel, syndicat, groupe de pression ou classe sociale, il semble aller de soi que l'intérêt que chaque individu peut trouver à l'aboutissement de l'action est la raison suffisante de la mobilisation de tous.

Or cette conception, présente chez les théoriciens libéraux des « groupes de pressions » comme dans la conception marxiste de la lutte des classes, recèle une double contradiction, logique et empirique : elle prolonge indûment une axiomatique – latente ou explicite – de l'acteur rationnel ; elle se révèle, dès lors qu'on l'applique à de vastes groupes, en opposition avec les faits.

L'argument logique est le suivant : parler d'intérêt pour rendre compte de l'action inscrit dans un paradigme utilitariste où chaque agent n'agit qu'en fonction du strict calcul de ses gains prévisibles. Qu'un tel paradigme soit théorique ou idéal n'est pas le problème. La vraie question est de savoir s'il en découle logiquement que des agents rationnels dotés du même intérêt objectif s'associeront spontanément pour le faire triompher collectivement. Bien que nuancée par la taille des entités concernées, la réponse est négative : dans les petits groupes, où la mobilisation est fréquente, ce n'est pas le calcul, ce sont les pressions de la proximité et de l'interconnaissance qui poussent l'individu à s'engager ; dans les très grands groupes anonymes, où l'effet de l'action de chacun n'est qu'une goutte d'eau dans l'ensemble, l'intérêt individuel commande d'autant moins de prendre le risque et d'assumer le coût de l'engagement, qu'une réussite éventuelle profite également à tous, comme une nouvelle convention collective ou un nouveau tarif valent identiquement pour tous ceux qui en sont justiciables.

Cette distorsion entre mobilisation individuelle et mobilisation collective est précisément ce que méconnaissent toutes les théories de l'intérêt commun. La reconnaître, à l'inverse, pose un problème théorique : sur quoi repose la mobilisation si ce n'est pas sur l'intérêt partagé des membres du groupe ? et un problème empirique : peut-on trancher dans ces divers modèles au moyen de données empiriques pertinentes ?

Sur ces deux points l'apport d'Olson est, comme le souligne Raymond Boudon dans la préface de la traduction française (P.U.F., 1978), particulièrement brillant. Il propose une typologie des groupes fondée sur deux critères : la nature des biens collectifs poursuivis, le nombre des participants. Lorsque les biens visés profitent à tous – par exemple un abattement foncier ou un nouveau service social gratuit –, le groupe de pression sera d'autant plus efficace qu'il sera petit, c'est-à-dire qu'en son sein un petit nombre d'agents seront prêts à supporter l'essentiel du coût de la mobilisation. Inversement, plus le groupe sera important – les fonctionnaires, les consommateurs, les usagers de tel ou tel service... – plus la mobilisation sera difficile et l'inertie importante. Dans un tel groupe « latent », « la contribution ou l'absence de contribution n'affecte pas sensiblement les autres, aussi personne n'a-t-il de raison d'agir » ; si[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur ès lettres, professeur de sociologie à l'université de Paris-V-Sorbonne

Classification

Autres références

  • ACTION COLLECTIVE

    • Écrit par
    • 1 466 mots
    À elle seule, la catégorie de l'intérêt ne suffit donc pas à donner une explication de la participation, ainsi que l'avait déjà révéléMancur Olson (Logique de l'action collective, 1965) en soulevant le paradoxe de l'action collective qu'on avait tendance, malgré le fameux exemple des...
  • ACTION RATIONNELLE

    • Écrit par
    • 2 646 mots
    • 1 média
    ...voulus d'actions rationnelles, effets qui vont à l'encontre des intérêts et des intentions mêmes des individus. Dans The Logic of Collective Action (1966), Mancur Olson montre ainsi qu'une action collective dont on est presque sûr qu'elle débouchera sur un bien collectif profitable à tous (réduction...
  • LIBERTÉ, sociologie

    • Écrit par
    • 2 004 mots
    ...Ainsi, même l’homoœconomicus rationnel et calculateur n’est pas entièrement délivré des contraintes collectives. En principe, comme l’analyse Mancur Olson dans La Logique de l’action collective, il a tout intérêt à se comporter en « passager clandestin », à recueillir les profits générés par...
  • MOBILISATION DES RESSOURCES

    • Écrit par
    • 3 812 mots
    ...participation offre au nouveau paradigme un modèle théorique fort. De ce point de vue, la parution en 1966 de La Logique de l'action collective, rédigé par Mancur Olson, apporte aux chercheurs à la fois une assise théorique importée des sciences économiques et un défi à relever, celui du paradoxe de l'action...