MANDCHOURIE
L'enjeu des grandes puissances
Dès 1803, la Mandchourie avait été ouverte par les autorités impériales à la colonisation paysanne chinoise. Ce mouvement de migration s'accentue au cours du xixe siècle et est encouragé par le gouvernement (contrairement à la politique de séclusion privilégiée de la Mandchourie suivie jusqu'au xviiie siècle), dans la mesure où une Mandchourie presque vide résistait mal aux pressions des grandes puissances.
À la fin du xixe siècle, la Mandchourie change en effet brusquement de statut géopolitique. D'une situation de confins, d'isolement dans une région de montagnes et de forêts presque désertes, elle se trouve brusquement transportée au cœur des rivalités internationales en Extrême-Orient. En 1858-1860, profitant de la seconde guerre de l'opium, la Russie a contraint Pékin à lui céder tout le nord et l'est de la « Mandchourie » traditionnelle (zone où nomadisaient les tribus mandchoues avant que leurs chefs ne montent sur le trône impérial chinois). Ces annexions portent sur la rive nord de l'Amour et sur le territoire situé entre l'Oussouri et la mer. La Chine populaire ne reconnaîtra pas ces transferts de territoire quand éclatera cent années plus tard le conflit sino-soviétique.
La pénétration russe en Mandchourie s'accentue à la fin du siècle, au moment où toutes les grandes puissances cherchent à s'assurer par la force en Chine des avantages économiques et militaires (break-up). En 1898, la Russie obtient le droit de construire une ligne de chemin de fer, le Transmandchourien, allant directement d'Irkoutsk à Vladivostok, d'installer une base militaire ( Port-Arthur) à l'extrémité de la presqu'île du Liaodong et de considérer toute la province comme « zone d'influence » russe. Mais le Japon, également voisin immédiat, convoite aussi les richesses de cette région. En 1905, il attaque la Russie et l'oblige à lui céder ses droits sur le sud du pays : chemin de fer sud-mandchourien, base de Port-Arthur, etc. La guerre entre les deux puissances s'était déroulée sur le sol même de la Mandchourie, enjeu de leurs rivalités.
Ainsi écartelée entre les puissances, éloignée du gouvernement central, dépourvue de structures sociales rigides du fait de la tardive implantation chinoise, la Mandchourie est à la fin du xixe siècle la terre classique des aventuriers et des insoumis. Ceux-ci se réunissent pour former des bandes de Honghuzi (Bandits à barbe rouge), sortes de fraternités secrètes qui contrôlent les échanges commerciaux, pratiquent le racket et le brigandage de grand chemin. Les Honghuzi s'inspirent en même temps d'une idéologie égalitaire de social banditry à la Robin Hood. Ils ont même, pendant une dizaine d'années, fait vivre une république communautaire de chercheurs d'or dans le Grand Nord, qui fut finalement détruite par l'intervention combinée des armées russes et chinoises.
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Écrit par
- Jean CHESNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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