MANDCHOURIE
Instabilité politique et développement économique
La poussée générale des forces centrifuges et l'anarchie militaire, qui caractérisent en Chine toute la période consécutive à la révolution républicaine de 1911, affectent tout particulièrement la Mandchourie, du fait de sa situation marginale. C'est l'ère des « seigneurs de la guerre », qui se disputent les provinces. Le maître de la Mandchourie est alors Zhang Zuolin, ancien bandit Honghuzi devenu gouverneur militaire avec le soutien financier des Japonais. Il tente à plusieurs reprises, mais en vain, d'établir son contrôle sur le gouvernement « central » de Pékin, notamment en 1920 et en 1926. Ses ambitions inquiètent toutefois ses protecteurs japonais, qui le font assassiner en 1928. Son fils Zhang Xueliang lui succède et assiste en 1931 à la conquête de ses trois provinces par le Japon. Il en rend responsable l'incurie du Guomindang, et tente en 1936 d'enlever Tchiang Kai-chek pour le tuer en représailles (affaire de Xi'an).
En 1931, les Japonais restaurent à Moukden la dynastie des Qing, détrônée à Pékin en 1911. Le dernier empereur, né en 1908, remonte sur le trône. Mais son État, le Manzhouguo, qui n'est qu'un satellite du Japon, disparaît quand ce dernier capitule en 1945.
Le xxe siècle est pour la Mandchourie une période de grand développement économique. Les Japonais contrôlaient économiquement la région, avant même d'en devenir politiquement les maîtres en 1931. Ils ont ouvert de vastes mines de charbon (Anshan, Penqihu) et de fer (Fushun). Leur chemins de fer ont assuré des débouchés à une production agricole en expansion (céréales, soja, coton). Ils ont équipé les grandes villes. La Mandchourie est une pièce essentielle de l'empire économique des grands zaibatsu japonais (Mitsui, Mitsubishi). La Russie, au contraire, depuis la révolution soviétique, s'est effacée, mais sans se retirer complètement. Elle conservait encore en 1949, quand les communistes arrivent au pouvoir dans toute la Chine, certains droits portuaires et ferroviaires en Mandchourie (elle ne les rendra qu'en 1953).
Le xxe siècle est encore l'époque du peuplement massif de cette région : 14 millions d'habitants en 1910, 23 millions en 1923, 41 millions en 1953 (dont seulement 2 millions de Mandchous proprement dits). Les trois provinces du Nord-Est (801 600 km2) comptaient 104,8 millions d'habitants au recensement de 2000.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'armée soviétique entre en Mandchourie et s'installe à Harbine (Kharbin), principal centre ferroviaire du Transmandchourien. Cette position fut, dès 1946, transférée discrètement aux guérilleros communistes qui combattaient les armées du Guomindang dans le reste du pays et assiégeaient les grandes villes. Moukden fut prise en 1948. La Chine populaire héritait, dans cette région, de l'effort d'équipement mené par les Japonais (bien que les armées soviétiques aient démonté à titre de réparations de guerre une partie des installations industrielles japonaises).
Les trois provinces du Nord-Est ont joué un rôle essentiel dans le développement économique de la Chine populaire. Mais elles ont aussi posé un problème politique, du fait même de leur importance économique et de leur proximité du territoire soviétique. En 1955, le premier secrétaire du Parti communiste dans le Nord-Est, Gao Gang, se suicida. Il n'est pas impossible qu'il ait songé à orienter cette région industrielle vers une coopération très poussée avec l'Union soviétique, quitte à distendre ses liens avec le reste de la Chine. La révolution culturelle a été particulièrement active dans le Nord-Est, et notamment dans la province de Heilongjiang.
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Écrit par
- Jean CHESNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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