- 1. Les débuts du Cri qui tue
- 2. Une ouverture progressive à tous les publics
- 3. Rêves et cauchemars d'enfants
- 4. Fougue et atermoiements de l'adolescence
- 5. Le samouraï et l'employé de bureau
- 6. Romance et émancipation
- 7. Shōnen, shōjo, seinen et jōsei : une grille de lecture à nuancer
- 8. Rebelles et francs-tireurs
- 9. La lecture sur écran, incontournable au Japon
- 10. Une nouvelle littérature populaire
- 11. Retour vers le passé
- 12. Bibliographie
MANGA
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Composé de deux idéogrammes polysémiques, le terme manga pourrait se traduire par « dessin au trait libre » ou « esquisse au gré de la fantaisie ». Au Japon, il désigne une bande dessinée, quelle que soit son origine géographique. Depuis les années 1990, la bande dessinée japonaise a conquis, sous le nom de « mangas », de nombreux lecteurs francophones, remettant en cause la suprématie historique de la bande dessinée franco-belge. Elle se caractérise par une production pléthorique, fondée sur le principe du feuilleton et ciblée en fonction de l'âge et du sexe du lecteur, suscitant des récits qui jouent sur les attentes du public, entre identification et fantasme.
Les débuts du Cri qui tue
La paternité du terme manga dans le champ artistique revient au peintre Katsushika Hokusai (1760-1849), qui l'utilisa au début du xixe siècle pour désigner ses recueils de croquis et de caricatures. Mais, selon le critique Fusanosuke Natsume, le mot était surtout employé auparavant pour décrire la façon dont les pélicans attrapaient leurs proies avec le bec, et c'est par analogie que Hokusai aurait emprunté ce substantif pour désigner ses dessins piochés sur le vif.
Lorsqu'en 1978 Motoichi « Athos » Takemoto (1953-2020), alors jeune Japonais installé en Suisse, publie le premier numéro de la revue Le Cri qui tue, il ne se doute pas qu'il est le précurseur d'un mouvement destiné à bouleverser le marché de la bande dessinée européenne. Si l'on excepte la publication de quelques histoires de Hiroshi Hirata (1937-2021) dans la revue d'arts martiaux Budo, à partir de 1969, c'est en effet dans ce périodique que furent présentées pour la première fois, de manière volontariste, au public francophone, des bandes dessinées japonaises traduites en français – toutefois, faute de succès, la publication du Cri qui tue fut interrompue en 1981, après six numéros. Il faut attendre le début de la décennie suivante pour que la bande dessinée japonaise connaisse ses premiers best-sellers en Europe francophone, sous l'impulsion notamment de l'éditeur français Jacques Glénat, fort du triomphe de Dragon Ball d'Akira Toriyama (1955-2024), publié en français à partir de 1993 (éd. or. Doragon Bōru, 1984), et dont les ventes mondiales cumulées atteignaient 300 millions d'exemplaires, toutes séries et éditions confondues, en 2024.
Avec le recul, cette irruption des mangas dans le pré carré de la bande dessinée européenne apparaît inévitable. Premier producteur mondial de littérature dessinée, le Japon ne pouvait éternellement contenir une telle richesse à l'intérieur de ses frontières. Cependant, si la première tentative d'introduction des mangas en Europe se produisit à l'initiative d'un Japonais, ce sont par la suite des Européens qui tentèrent l'aventure. Pas moins de trente-cinq éditeurs francophones publient désormais de manière régulière des bandes dessinées traduites du japonais, les leaders du marché étant Glénat, Kana, Pika, Ki-oon et Kurokawa. En 2023, plus d’une bande dessinée sur deux vendue en France était un manga : ainsi, quelque 40 millions de mangas ont été écoulés sur le marché français, contre 15 millions quinze ans plus tôt.
Si ces chiffres semblent impressionnants, notamment au regard de la quasi-absence des mangas sur le marché européen trente ans plus tôt, ils paraissent pourtant dérisoires devant l'immensité de la production nippone présente et passée. À titre d'exemple, les ventes de mangas pesaient au Japon environ 4 milliards d'euros en 2023, partagés à 73 % entre trois géants de l'édition : Kōdansha, Shogakukan et Shūeisha. Toutefois, notre perception des mangas s'est améliorée au fil du temps, grâce à la diversité croissante des titres disponibles en français, même si elle reste parcellaire, la réalité éditoriale japonaise étant[...]
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Écrit par
- Julien BASTIDE : critique de bande dessinée
- Arthur BAYON : master professionnel de journalisme à l'École de journalisme de Grenoble, journaliste au Figaro
Classification
Médias
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