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MANGA

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Composé de deux idéogrammes polysémiques, le terme manga pourrait se traduire par « dessin au trait libre » ou « esquisse au gré de la fantaisie ». Au Japon, il désigne une bande dessinée, quelle que soit son origine géographique. Depuis les années 1990, la bande dessinée japonaise a conquis, sous le nom de « mangas », de nombreux lecteurs francophones, remettant en cause la suprématie historique de la bande dessinée franco-belge. Elle se caractérise par une production pléthorique, fondée sur le principe du feuilleton et ciblée en fonction de l'âge et du sexe du lecteur, suscitant des récits qui jouent sur les attentes du public, entre identification et fantasme.

Les débuts du Cri qui tue

La paternité du terme manga dans le champ artistique revient au peintre Katsushika Hokusai (1760-1849), qui l'utilisa au début du xixe siècle pour désigner ses recueils de croquis et de caricatures. Mais, selon le critique Fusanosuke Natsume, le mot était surtout employé auparavant pour décrire la façon dont les pélicans attrapaient leurs proies avec le bec, et c'est par analogie que Hokusai aurait emprunté ce substantif pour désigner ses dessins piochés sur le vif.

Lorsqu'en 1978 Motoichi « Athos » Takemoto (1953-2020), alors jeune Japonais installé en Suisse, publie le premier numéro de la revue Le Cri qui tue, il ne se doute pas qu'il est le précurseur d'un mouvement destiné à bouleverser le marché de la bande dessinée européenne. Si l'on excepte la publication de quelques histoires de Hiroshi Hirata (1937-2021) dans la revue d'arts martiaux Budo, à partir de 1969, c'est en effet dans ce périodique que furent présentées pour la première fois, de manière volontariste, au public francophone, des bandes dessinées japonaises traduites en français – toutefois, faute de succès, la publication du Cri qui tue fut interrompue en 1981, après six numéros. Il faut attendre le début de la décennie suivante pour que la bande dessinée japonaise connaisse ses premiers best-sellers en Europe francophone, sous l'impulsion notamment de l'éditeur français Jacques Glénat, fort du triomphe de Dragon Ball d'Akira Toriyama (1955-2024), publié en français à partir de 1993 (éd. or. Doragon Bōru, 1984), et dont les ventes mondiales cumulées atteignaient 300 millions d'exemplaires, toutes séries et éditions confondues, en 2024.

Avec le recul, cette irruption des mangas dans le pré carré de la bande dessinée européenne apparaît inévitable. Premier producteur mondial de littérature dessinée, le Japon ne pouvait éternellement contenir une telle richesse à l'intérieur de ses frontières. Cependant, si la première tentative d'introduction des mangas en Europe se produisit à l'initiative d'un Japonais, ce sont par la suite des Européens qui tentèrent l'aventure. Pas moins de trente-cinq éditeurs francophones publient désormais de manière régulière des bandes dessinées traduites du japonais, les leaders du marché étant Glénat, Kana, Pika, Ki-oon et Kurokawa. En 2023, plus d’une bande dessinée sur deux vendue en France était un manga : ainsi, quelque 40 millions de mangas ont été écoulés sur le marché français, contre 15 millions quinze ans plus tôt.

Si ces chiffres semblent impressionnants, notamment au regard de la quasi-absence des mangas sur le marché européen trente ans plus tôt, ils paraissent pourtant dérisoires devant l'immensité de la production nippone présente et passée. À titre d'exemple, les ventes de mangas pesaient au Japon environ 4 milliards d'euros en 2023, partagés à 73 % entre trois géants de l'édition : Kōdansha, Shogakukan et Shūeisha. Toutefois, notre perception des mangas s'est améliorée au fil du temps, grâce à la diversité croissante des titres disponibles en français, même si elle reste parcellaire, la réalité éditoriale japonaise étant[...]

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Écrit par

  • : critique de bande dessinée
  • : master professionnel de journalisme à l'École de journalisme de Grenoble, journaliste au Figaro

Classification

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

<em>Ghost in the shell</em>, de Oshi Mamoru, 1995 - crédits : Bandai/Kodansha/Production I.G. / The Kobal Collection/ Aurimages

Ghost in the shell, de Oshi Mamoru, 1995

Autres références

  • MANGA (Hokusai)

    • Écrit par
    • 320 mots

    Collection d'albums dont l'idée naquit un jour où, discutant dessin avec un de ses élèves, Hokusai illustra son propos de centaines de croquis. Édités en 1814, ils formèrent le premier volume des Hokusai Manga. Le succès fut tel qu'au cours des cinq années qui suivirent, le maître y...

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par
    • 22 913 mots
    • 16 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas (le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
  • FANTASY

    • Écrit par
    • 2 811 mots
    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • GRAVURES D'HOKUSAI - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 131 mots

    Fin du xviie siècle Premières estampes de l'Ukiyo-e (« images du monde flottant »)

    1760 Naissance de Katsushika Hokusai.

    1778 Premiers travaux de l'artiste : des représentations d'acteurs et de courtisanes.

    Vers 1780 Estampe des « Lutteurs de sumo ».

    Vers 1800 Hokusai...

  • HOKUSAI (1760-1849) (exposition)

    • Écrit par
    • 930 mots
    • 1 média
    Cette exposition coïncide avec le bicentenaire de la publication, en 1814,du premier volume de la Manga, le plus fameux des albums illustrés de l’artiste. Elle est l’aboutissement du travail mené par Seiji Nagata, un conservateur japonais qui a consacré sa vie à l’œuvre de Hokusai, avec la collaboration...
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