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MANGA

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Une ouverture progressive à tous les publics

Au début du xxe siècle, la bande dessinée s'impose peu à peu au Japon, et connaît, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, un formidable développement, sous l'impulsion d'un jeune auteur surdoué et extrêmement productif : Osamu Tezuka (1928-1989). Avant-guerre, certaines bandes dessinées avaient déjà eu un fort retentissement auprès du public enfantin, comme Norakuro (1931) de Suihō Tagawa (1899-1989), mais c'est Tezuka qui donne à la bande dessinée japonaise son style graphique et narratif si particulier. Passionné de cinéma et de littérature, il transpose sur papier, dès La Nouvelle Île au trésor (2014 ; éd. or. Shin Takarajima, 1947), le dynamisme du langage cinématographique, et offre à certains de ses récits l'ampleur et la complexité de la littérature russe qu'il affectionne – il adapte d'ailleurs, en 1953, Crime et châtiment de Dostoïevski. Quant à son style graphique, inspiré des dessins animés américains – grands yeux et physionomies élastiques –, il fait école. Ce nouveau type de bande dessinée au long cours, baptisé story manga, inspire de jeunes dessinateurs comme Shōtarō Ishinomori (1938-1998), qui deviennent à leur tour des auteurs populaires auprès du jeune public japonais, au cours des années 1950.

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

Tezuka commence sa carrière en publiant des récits d'aventures ou de science-fiction sous la forme de fascicules bon marché, commercialisés dans la région d'Osaka, dont il est originaire, puis se tourne, dès le début des années 1950, vers les grands éditeurs généralistes basés à Tōkyō. Ceux-ci éditent ses travaux en feuilletons, dans des revues mensuelles destinées à la jeunesse. C'est là que seront publiées certaines de ses séries les plus célèbres, comme Le Roi Léo (1996 ; éd. or. Jungle Taitei, 1951) et Astro Boy (1996 ; éd. or. Tetsuwan Atomu, 1952).

À partir de 1959, de nouvelles revues au rythme hebdomadaire font leur apparition, obligeant les auteurs de mangas à produire un nouveau chapitre de leur feuilleton chaque semaine, les plus populaires se voyant ensuite publiés en albums au format poche – un mode de parution qui perdure.

À l'époque, néanmoins, un autre système fait concurrence aux revues de mangas : celui des librairies de prêt. Ces modestes échoppes, souvent situées aux abords des gares, permettent notamment d'emprunter à bas prix des mangas directement conçus pour ce circuit parallèle. Dans ce cadre se développe un style de mangas aux intrigues plus réalistes et dramatiques, baptisé en 1957 gekiga (littéralement « images dramatiques ») par le dessinateur Yoshihiro Tatsumi (1935-2015), auteur d’Une vie dans les marges (2011 ; éd. or. Gekiga Hyōryū, 1995).

Le succès populaire des gekiga, et notamment celui des violentes fresques moyenâgeuses de Sanpei Shirato (1932-2021), incite les éditeurs des mangas à intégrer cette nouvelle tendance au sein de leurs périodiques. Ainsi, la revue Shōnen Magazine publie, à partir du milieu des années 1960, des auteurs issus du circuit des librairies de prêt, tel Shigeru Mizuki (1922-2015), et apparaissent, à partir de 1967, les premières revues de mangas spécifiquement destinées aux adultes, comme Weekly Manga Action et Big Comic. Tezuka lui-même, forcé de s'adapter au vieillissement de son public, y publie des récits tel Ayako (2003, éd. or. 1973).

Une autre tendance caractéristique de l'époque se trouve dans le développement des revues de libre création, dont Garo publie des travaux avant-gardistes. Les années 1970 voient ensuite émerger un ensemble d'auteures qui donneront leurs lettres de noblesse aux mangas destinés aux filles, notamment en explorant des genres tels que la science-fiction et le drame historique. Lors de la décennie suivante, des magazines pour jeunes femmes adultes (Be[...]

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Écrit par

  • : critique de bande dessinée
  • : master professionnel de journalisme à l'École de journalisme de Grenoble, journaliste au Figaro

Classification

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

<em>Ghost in the shell</em>, de Oshi Mamoru, 1995 - crédits : Bandai/Kodansha/Production I.G. / The Kobal Collection/ Aurimages

Ghost in the shell, de Oshi Mamoru, 1995

Autres références

  • MANGA (Hokusai)

    • Écrit par
    • 320 mots

    Collection d'albums dont l'idée naquit un jour où, discutant dessin avec un de ses élèves, Hokusai illustra son propos de centaines de croquis. Édités en 1814, ils formèrent le premier volume des Hokusai Manga. Le succès fut tel qu'au cours des cinq années qui suivirent, le maître y...

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par
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    • 16 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas (le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
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    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • GRAVURES D'HOKUSAI - (repères chronologiques)

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    • 131 mots

    Fin du xviie siècle Premières estampes de l'Ukiyo-e (« images du monde flottant »)

    1760 Naissance de Katsushika Hokusai.

    1778 Premiers travaux de l'artiste : des représentations d'acteurs et de courtisanes.

    Vers 1780 Estampe des « Lutteurs de sumo ».

    Vers 1800 Hokusai...

  • HOKUSAI (1760-1849) (exposition)

    • Écrit par
    • 930 mots
    • 1 média
    Cette exposition coïncide avec le bicentenaire de la publication, en 1814,du premier volume de la Manga, le plus fameux des albums illustrés de l’artiste. Elle est l’aboutissement du travail mené par Seiji Nagata, un conservateur japonais qui a consacré sa vie à l’œuvre de Hokusai, avec la collaboration...
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