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MANGA

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Romance et émancipation

Ce n'est pas la moindre des particularités de la bande dessinée japonaise que les titres destinés aux filles (shōjo manga) soient aujourd'hui conçus en majorité par des auteures. « Il n’y a pas un pays au monde où l’univers éditorial de la BD a donné autant de place aux femmes que le Japon ! Le shōjo, c’est la spécificité du manga, c’est l’exception culturelle du Japon. Le revendiquer, c’est dire que les femmes font de la bande dessinée, sont des lectrices, sont des éditrices », expliquait en 2024 Bruno Pham, éditeur chez Akata. Les shōjo se caractérisent par un style graphique reconnaissable, qui fait la part belle aux visages et délaisse souvent les décors pour des arrière-plans symboliques reflétant les émotions, ainsi que par un agencement des images inventif et déstructuré.

Les mangas destinés aux filles fonctionnent sur les mêmes mécanismes d'identification que ceux pour les garçons – le personnage principal a l'âge de la lectrice visée, cristallisant ses angoisses et ses espoirs –, et ils ont souvent pour ingrédient principal la romance. Ici aussi, il est possible de distinguer les récits fantastiques, tels Fushigi Yugi (1998, éd. or. 1992) de Yū Watase, ou Please Save My Earth (1999 ; éd. or. Boku no Chikyū o Mamotte, 1987) de Saki Hiwatari des comédies ancrées dans le quotidien des jeunes Japonaises telles Elle et Lui (2005 ; éd. or. Kareshi Kanojo no Jijō, 1996) de Masami Tsuda ou Peach Girl (2003 ; éd. or. Pichi Gāru, 1998) de Miwa Ueda. Les deux peuvent aller de pair, notamment dans les mangas dédiés à la figure de la magical girl, ou petite magicienne, comme Cardcaptor Sakura (2000, éd. or. 1996) de CLAMP, dont l'héroïne, écolière le jour, chasse les créatures fantastiques la nuit. Dans Nana (2002, éd. or. 2000), au contraire, Ai Yazawa relate avec plus de réalisme le quotidien de deux colocataires tokyoïtes aux tempéraments diamétralement opposés.

Cependant, les histoires d'amour ne constituent pas toujours l'unique moteur narratif : Déclic amoureux (2004 ; éd. or. Shutter Love, 1998) de Mari Okazaki aborde le thème de l'accomplissement personnel à travers la concurrence de deux jeunes photographes, et Life(2008, éd. or. 2002) de Keiko Suenobu évoque le problème des brimades au sein des établissements scolaires. L’épouvante se marie aussi très bien avec le shōjo, notamment chez Hideshi Hino et Kaori Yuki. Si de nombreux titres récents destinés aux filles sont désormais disponibles en français, les chefs-d'œuvre du passé restent encore largement inédits, à l'exception de La Rose de Versailles (2002 ; éd. or. Berusaiyu no Bara, 1972)de Riyoko Ikeda et du Clan des Poe (2023 ; éd. or. Pō no Ichizoku, 1972) de Moto Hagio.

Suivant le même cheminement que la production visant les garçons, avec une décennie de décalage, les mangas conçus pour les filles ont progressivement gagné en maturité, débouchant sur la création, au cours des années 1980, de magazines de prépublication visant les femmes adultes (jōsei manga). Il est difficile d'avoir une vue d'ensemble de cette production négligée par les éditeurs francophones. On note cependant quelques créations remarquables, dont Pink (2007, éd. or. 1989) de Kyōko Okazaki, Diamonds (2006 ; éd. or. Tenohira ni Diamonds, 1997) d'Erica Sakurazawa, ou Perfect World (2016, éd. or. 2014) de Rie Aruga, abordant avec subtilité les rapports sentimentaux et sexuels des jeunes adultes. Et, dans la comédie Kimi Wa Pet (Au pied, chéri !, 2005, éd. or. 2000) de Yayoi Ogawa, une femme d'affaires à la carrière brillante préfère la compagnie d'un garçon soumis, qu'elle considère comme son animal domestique, à celle des autres hommes, effrayés par sa réussite. En filigrane, il s'agit d'évoquer le statut de la femme japonaise, dans le couple comme au travail, et[...]

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Écrit par

  • : critique de bande dessinée
  • : master professionnel de journalisme à l'École de journalisme de Grenoble, journaliste au Figaro

Classification

Médias

<em>Astro Boy</em>, Osamu Tezuka - crédits : Nippon Television Network (NTV), Tezuka Productions/ Aurimages

Astro Boy, Osamu Tezuka

<em>L’Homme qui marche</em>, Taniguchi Jirō - crédits : L'Homme qui marche, Jirô Taniguchi 1992-2015/ BCF-Tokyo

L’Homme qui marche, Taniguchi Jirō

<em>Ghost in the shell</em>, de Oshi Mamoru, 1995 - crédits : Bandai/Kodansha/Production I.G. / The Kobal Collection/ Aurimages

Ghost in the shell, de Oshi Mamoru, 1995

Autres références

  • MANGA (Hokusai)

    • Écrit par
    • 320 mots

    Collection d'albums dont l'idée naquit un jour où, discutant dessin avec un de ses élèves, Hokusai illustra son propos de centaines de croquis. Édités en 1814, ils formèrent le premier volume des Hokusai Manga. Le succès fut tel qu'au cours des cinq années qui suivirent, le maître y...

  • BANDE DESSINÉE

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    • 16 médias
    La diffusion en Occident, à la fin des années 1970, de dessins animés produits au Japon a préparé le terrain à l’irruption, en Europe et aux États-Unis, des bandes dessinées japonaises, ou mangas (le mot, qui aurait été forgé par le peintre Hokusai en 1814, avec le sens d’« images dérisoires...
  • FANTASY

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    • 3 médias
    De son côté, l'importante production japonaise de mangas a exploité son propre matériel légendaire, très riche, et l'école franco-belge a fait valoir ses qualités. La fantasy y apparaît sans se différencier initialement de la bande dessinée d'aventures (Thorgal de Jean Van Hamme et...
  • GRAVURES D'HOKUSAI - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 131 mots

    Fin du xviie siècle Premières estampes de l'Ukiyo-e (« images du monde flottant »)

    1760 Naissance de Katsushika Hokusai.

    1778 Premiers travaux de l'artiste : des représentations d'acteurs et de courtisanes.

    Vers 1780 Estampe des « Lutteurs de sumo ».

    Vers 1800 Hokusai...

  • HOKUSAI (1760-1849) (exposition)

    • Écrit par
    • 930 mots
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    Cette exposition coïncide avec le bicentenaire de la publication, en 1814,du premier volume de la Manga, le plus fameux des albums illustrés de l’artiste. Elle est l’aboutissement du travail mené par Seiji Nagata, un conservateur japonais qui a consacré sa vie à l’œuvre de Hokusai, avec la collaboration...
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