MANGROVES
Écologie et paléoécologie
Il paraît difficile de parler de mangroves anciennes avant l'apparition des plantes qui les composent aujourd'hui et qui les caractérisent, à savoir des Myrtales, les Rhizophoracées qui semblent être apparues dans le Crétacé supérieur d'Égypte, et les Sonneratiacées connues dans le Tertiaire de l'Inde ; on peut y ajouter une Verbénacée, Avicennia. Ces végétaux constituent un biotope qui intéresse la paléobiologie et la géologie puisque leurs associations constituent des interfaces entre continents émergés et littoral submergé, installés sur la frange tidale allant de l'étage supralittoral au sommet de l'étage infralittoral, et sur laquelle alternent les submersions et les émersions dues aux marées. Implantée sur le sol, ou le fond vaseux, la mangrove s'étage aussi le long des estuaires selon un gradient de salinité, partant d'une mer presque normale à salinité de 22 à 24 p. 1 000, on peut la suivre, depuis les Rhizophoracées du front de mer, à travers une zone euryhaline à Avicennia qui subit des alternatives de dessalure et de sursalure jusqu'à, plus en amont, la zone des Raphiales (Raphia et Pandanus) jouant en eau douce un rôle comparable.
Écologiquement, la mangrove joue le rôle d'un substrat de végétaux terrestres, à feuilles émergées, donc à vie aérienne, mais pourvues d'échasses les ancrant solidement dans la vase tout en les maintenant hors de l'eau des grandes marées ; ces plantes possèdent aussi une disposition des racines émettant des pneumatophores respiratoires, quelle que soit la famille à laquelle elles appartiennent. Un tel substrat abrite, en bordure de mer, un écosystème littoral souvent assez banal comprenant une faune marine composée de producteurs et de consommateurs à laquelle les palétuviers fournissent des points d'appui solides et l'ombre de refuges complaisants. On trouve ici les étages habituels : Littorines et Balanes au plus haut, puis des Bivalves fixés, filtreurs, tels les Huîtres, les Pernes et les Mytilidés, ensuite des Arcidés (Senilia), enfin des Bivalves d'endofaune (Cyrènes) et des Gastéropodes à demi enfouis dans la vase tels des Cérithes (Batillaria, Tympanotonus, Pyrazus), des Turritelles et des Néritidés. Une partie de la faune est amphibie : Gastéropodes pulmonés (Onchidium), Crabes (Uca, Ocypoda) et Poissons Gobioïdes (Périophthalmes). Sauf en des points très localisés, cette faune des mangroves n'est pas spécialisée pour ce substrat.
Reste à évaluer l'importance des facteurs déterminant l'existence de mangroves : elles appartiennent aux mers chaudes, voire tropicales, souvent en bordure de pays arides, mais non toujours ; la température peut descendre au-dessous de 20 0C, par exemple à Sydney (jusqu'à 10 0C). En fait la plupart des côtes à mangroves récentes sont héritées de la Téthys/Mésogée, qu'il s'agisse de la province Indo-Pacifique, ou de l'Atlantique central avec ses dépendances (Caraïbes et Bermudes entre autres).
Les vasières sur lesquelles est implantée la mangrove sont enrichies en sulfures par l'activité biologique de l'ensemble du biotope et des écosystèmes qui se succèdent selon le gradient salin. Les agents les plus actifs de l'acidification résultante sont probablement des sulfo-bactéries. La fossilisation dans un tel milieu peut préserver de façon remarquable la matière organique et les contours des parties molles des organismes, mais les coquilles calcaires sont dissoutes, souvent même avant l'enfouissement des cadavres. Aussi, pour que de véritables indices de la faune des mangroves fossiles aient pu parvenir jusqu'à nous, il faudrait compter sur des phénomènes exceptionnels tels que des ouragans destructeurs ayant emporté loin des vasières acides les huîtres supralittorales collées aux racines[...]
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Écrit par
- Frédéric BALTZER : maître assistant à l'université de Paris-Sud, Orsay.
- Georges MANGENOT : professeur honoraire à l'université de Paris-XI
- Geneviève TERMIER : maître de recherche au C.N.R.S.
- Henri TERMIER : professeur honoraire à la faculté des sciences de Paris
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