MANIÉRISME
L'architecture et la sculpture
L'architecture pose un problème particulier, car elle doit tenir compte des réalités et des considérations pratiques avant de donner lieu à de pures recherches de style. Cependant, on a pu déceler des caractères maniéristes dans l'architecture du xvie siècle, un des plus remarquables étant la « tension », pour M. Tafuri (1966) qui montre comment l'architecture maniériste s'insère dans le processus général de laïcisation de l'art européen : le recherché, le monstrueux ou le démoniaque s'y justifient comme l'expression de la vie universelle. Pour d'autres historiens, l'architecture de cette époque se rattache en réalité soit au maniérisme, soit au premier baroque (Pevsner, Chastel). En fait, les difficultés rencontrées pour la peinture du xvie siècle existent aussi pour l'architecture, dont les manifestations sont parfois opposées. C'est pourquoi il faudrait, selon Lotz (1963), exclure du courant maniériste Palladio et Vignole dont les structures sont en réalité classiques.
Les modèles
En architecture, comme en peinture, l'exemple de Raphaël et de Michel-Ange fut décisif. Le premier crée une architecture avant tout picturale, d'une symétrie élégante et harmonieuse, où la variété des motifs a pour fonction d'animer les façades ( palais Branconio dell'Aquila, élevé à l'emplacement de la colonnade du Bernin, aujourd'hui détruit). La richesse d'inventions y était accentuée par l'emploi de marbres colorés, de stucs (probablement peints), de fresques (sans doute en grisaille). C'est, par excellence, le style que l'on croit « antique », mais dont les références classiques, évidentes, sont employées, toutefois, avec une recherche et un raffinement constants. Autre exemple de ce style, le palais Madame, élevé pour le futur Clément VII, Jules II de Médicis : les allusions antiques, empruntées à la Domus Aurea y sont encore plus explicites.
Les mêmes caractères marquent l'œuvre « imaginative » de Baldassare Peruzzi (1481-1536 ; La Farnésine (1508-1511), d'une élégance encore toute raphaélesque, est une synthèse précieuse de tous les éléments « antiques » à la mode mis à la disposition d'un bourgeois romain du xvie siècle. Au palais Massimo (1530), les effets de contrastes (galerie d'entrée) et la virtuosité qui l'emporte sur les nécessités architectoniques diffèrent profondément du « classicisme » de la Farnésine. Ce parti, qui choisit la puissance plutôt que la grâce, rappelle l'évolution analogue également poursuivie, à partir d'exemples raphaélesques et antiques, par Jules Romain au palais du Té (1532-1534), « véritable modèle de l'architecture et de la peinture » (Serlio) où il se montre aussi disciple de Michel-Ange. Cependant, sous l'influence de Raphaël, l'ornement domine encore au palais Spada, au palais Negroni (édifié à Gênes vers 1560, attribué à Giambattista Castello) dont la façade disparaît sous un manteau de fresques, de stucs et de pierres.
La contribution majeure de Michel-Ange à l'architecture maniériste apparaît à San Lorenzo de Florence dans la chapelle Médicis (vers 1521) et au vestibule de la Laurentienne (1525). Dans la première, d'une conception toute cérébrale, la froide stylisation, fortement scandée, oppose en une tension contenue le rythme des verticales et des horizontales. Dans la seconde, l'escalier posé par Ammanati, en 1559, introduit, dans un ensemble qui se veut étrange et déconcerte par sa grandeur, une notion de mouvement inharmonique dont les intentions sont soulignées par l'accentuation volontaire des rythmes courbes. Tous les éléments du décor paraissent utilisés sans tenir compte de leur vocation première ; les colonnes ne portent pas et les fausses fenêtres flottent[...]
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Écrit par
- Sylvie BÉGUIN : conservateur en chef au département des Peintures du musée du Louvre
- Marie-Alice DEBOUT : conférencière à l'École du Louvre, chargée de mission au département des Peintures
Classification
Médias
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