MANIÉRISME
Expansion du maniérisme
À partir de 1530, il y eut une large expansion du style maniériste au-delà des frontières de l'Italie ; on ne peut en rappeler ici que quelques aspects. On admet aujourd'hui les caractères propres de ces divers types de maniérisme, que l'on croyait autrefois uniquement tributaires de l'Italie. C'est pourquoi, dans un article de 1965, Bialostocki a proposé de parler des maniérismes des divers pays d'Europe.
Espagne
Longhi a mis en évidence le rôle joué pour l'Espagne par Alonso Berruguete (il séjourne en Italie entre 1504 et 1517) qui devait devenir un des artistes majeurs du xvie siècle espagnol avant Greco. Il a également insisté sur d'autres artistes remarquables, comme Pedro de Campana (Kempeneer) et l'étrange Pedro Machuca. Par leur liberté et leur audace, ils ont sans doute marqué de jeunes artistes florentins comme Rosso. Trop originaux, sans doute, pour plaire avec leurs compositions mystiques ou hallucinées, on leur préféra Moralès (el Divino, mort en 1586), l'interprète de la religion populaire, spécialiste des pietà.
Greco, lui aussi, tranche sur le style conventionnel des peintres de cour. On a essayé de rattacher son œuvre aussi bien au baroque qu'au maniérisme ; par son mysticisme passionné, elle a servi d'exemple aux historiens qui, comme Dvorak, ont insisté sur les composantes spirituelles de l'art. L'allongement extrême des personnages, l'indépendance avec laquelle Greco adapte ses modèles (Titien, Tintoret, Dürer, Pontormo ou Perino del Vaga), les couleurs sans dominante harmonique, l'irréalisme spatial qui ira en s'accentuant de l'Enterrement du comte d'Orgaz jusqu'à la célèbre Vue de Tolède(1609) ou au Laocoon (1605-1609), aux tons livides, autant d'éléments qui incitent à considérer Greco comme le plus audacieux des peintres maniéristes.
Angleterre
Les conditions historiques et artistiques favorisèrent l' art de cour en Angleterre où la volonté et le goût des souverains (Henri VIII, Élisabeth Ire) furent déterminants. Par rapport au reste de l'Europe, l'Angleterre est alors, dans le domaine artistique, souvent attardée, ce que la tradition gothique, « seul art véritablement anglais », explique en grande partie. Le renouvellement des thèmes et des techniques, imposé par les souverains, viendra d'Italie, de France et de Flandre. On ne peut plus guère en juger que sur de rares exemples : les documents (l'inventaire dit « Lumley » de 1590, en particulier) révèlent nombre de noms d'artistes inconnus aujourd'hui. Dans le domaine de l'architecture et de la décoration, l'impulsion décisive revient à coup sûr aux Italiens, qui apportèrent avec eux le maniérisme florentin et romain avec Toto (Antonio di Nunziato d'Antonio, mort vers 1557) ou Penni (Bartolommeo Penni, mort en 1553, frère de Luca Penni) et aussi bellifontain : à cet égard, le rôle de Nicola da Modena qui séjourna en Angleterre de 1537 à 1569, après avoir travaillé à Fontainebleau, où il subit l'influence de Primatice et surtout de Rosso, fut certainement capital. Les dessins pour un décor de galerie (Louvre) montrent une adaptation un peu sèche de la galerie François Ier. Le château de Non Such, malheureusement disparu, devait être le chef-d'œuvre de ce style maniériste.
Dans le genre du portrait, si l'on excepte le cas d'Holbein le Jeune, les Flamands dominèrent ; ils sont encore mal connus, comme Luke Hornebaud (mort en 1544), et rares sont les portraitistes anglais, tel Gower (mort en 1596). Sous le règne d'Élisabeth, des considérations historiques et iconographiques expliquent l'aboutissement irréaliste du portrait : le contenu (l'allégorie) et l'exécution (la technique par à-plats, l'importance excessive donnée aux costumes et aux objets, le manque d'harmonie des couleurs)[...]
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Écrit par
- Sylvie BÉGUIN : conservateur en chef au département des Peintures du musée du Louvre
- Marie-Alice DEBOUT : conférencière à l'École du Louvre, chargée de mission au département des Peintures
Classification
Médias
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