MANIFESTE DU SURRÉALISME, André Breton Fiche de lecture
Ouvrir les portes de l’inconscient
Dans son Manifeste, André Breton révèle l'origine du mot « surréalisme ». Le terme a été choisi en écho au « supernaturalisme » de Nerval (dans la dédicace des Filles du feu) et en hommage à Apollinaire qui l’a employé pour la première fois en 1917 dans sa préface aux Mamelles de Tirésias. Breton en donne une définition technique précise : « Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Une définition philosophique l'étoffe : « Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée... » Suit une liste alphabétique de poètes qui « ont fait acte de SURRÉALISME ABSOLU », parmi lesquels Aragon, Crevel, Desnos, Eluard, Limbour, Péret, Soupault, Vitrac. Une suite de citations illustre la méthode surréaliste dont Breton vante, avec une pointe d'humour dadaïste, les vertus. Revendiquant un « non-conformisme absolu » et un « état complet de distraction », le manifeste se clôt sur une formule rimbaldienne : « L'existence est ailleurs ».
Pour mieux convaincre, l'argumentation de Breton emprunte au registre lyrique. Le poète, qui écrit à la première personne, exalte ses condamnations et ses enthousiasmes avec des termes appréciatifs et dépréciatifs ainsi que des interjections ; il emploie la métaphore filée du « château » pour désigner le lieu imaginaire où se rassemblent ses amis surréalistes ; sa fantaisie va jusqu'à jouer avec la typographie des pages (caractères, italiques, majuscules, numérotation de paragraphes, listes, frises...).
Contre les bornes de la logique et l’aveuglement technicien, ce premier Manifestedu surréalisme prône la libération par le rêve, le dynamisme du désir et la révolution : il s'agit de « transformer le monde » et de « changer la vie » par le recours à l'inconscient, l'analogie, le jeu des mots, les coïncidences, l'esprit d'enfance, l'amour fou, l'humour subversif, le génie du merveilleux. André Breton fera suivre ce texte inaugural d'un Second Manifeste du surréalisme (1929), qui résonnera comme un rappel à l'ordre, puis par des Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non (1942). Le mouvement surréaliste a bouleversé l'histoire mondiale de l'art et de la littérature du xxe siècle.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
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