MANTRA
Les mantras, formules sacrées à usage liturgique, rituel, spirituel ou magique, jouent un rôle essentiel dans la tradition socio-religieuse indienne, de l'époque védique (− IIe millénaire) à nos jours et, avec le bouddhisme, ils se sont répandus au Tibet, en Asie du Sud-Est et en Extrême-Orient. Les formes et usages des mantras sont très variés ; le nombre en est immense. Ils ont fait l'objet d'abondantes spéculations. Malgré cette diversité et la longue durée de leur emploi, une vue d'ensemble en reste possible dans la mesure où ils reposent partout sur la croyance dans les pouvoirs de la parole, en particulier de la parole rituelle.
Le mot mantra est fait sur la racine sanskrite man (« penser ») avec le suffixe tra servant à former les mots qui désignent des instruments ou des objets. Ce serait donc un instrument de pensée, mais d'une pensée spécialement intense et efficace, car porteuse de toute l'énergie de la parole. On pourrait définir les mantras, dans leur usage le plus général, comme des formules, syllabes ou sons, isolés ou groupés, pourvus ou dépourvus de sens littéral, qui représentent ou, plus exactement, qui sont la forme phonique, la plus haute et la plus puissante, de divinités ou d'entités naturelles ou surnaturelles et qui, par là, sont chargés d'une efficacité considérable, utilisable, conformément à des règles précises, par ceux qui y sont habilités. Il y a lieu de distinguer les mantras du védisme, ceux de l'hindouisme et ceux du bouddhisme.
Le védisme
Dans les Veda, les mantras sont les portions versifiées – strophes (ṛc), formules sacrificielles (yajus) ou mélodies (sāman) – accompagnant les rites. Prières, invocations, énoncés rituels, les mantras védiques ont la forme de poèmes, de louanges, d'injonctions ou de descriptions des effets à obtenir par le rite qu'ils accompagnent. Ils sont de longueur très variable. S'y ajoutent les prières et formules magiques de l'Atharvaveda. Les jeux verbaux, le symbolisme, les identifications et connexions y ont une place essentielle, ainsi que la mélodie dans le cas du Sāmaveda. Dans celui-ci et dans le Yajurveda s'ajoutent aux strophes ou formules des syllabes conventionnelles (notamment OṂ) ou de courtes phrases, des mots ou des interjections (hāu, ī, hum) à usage mélodique et à valeur magique et mystique, les stobha, énoncés condensés dont le rôle sera très développé par la suite. Dans le védisme est en principe mantra tout ce qui n'est ni interprétation des formules ( brāhmaṇa), ni injonction rituelle (vidhi).
Dans ces mantras, la forme est l'essentiel : plus que tout importent la teneur (phonétique, morphologie, ordre des mots) et la rigoureuse exactitude de l'énoncé – qui d'ailleurs peut, par interversion des mots ou des syllabes, etc., être tout à fait incompréhensible, ce qui ne signifie toutefois pas que le sens soit négligé : il est d'une autre sorte. Ce sont des énoncés rituels hautement formalisés, ayant un emploi codifié et chargés de puissance. Ils sont efficaces parce qu'ils sont « vrais » (satya). Ils disent ce qui est. Ils sont l'œuvre de poètes visionnaires (kavi) que fait « vibrer » (vipr) l'inspiration, qui les ont « vus », puis les ont énoncés. Ils ont une place essentielle dans le rituel sacrificiel védique qui, lui-même, assure le maintien de l'ordre cosmique, d'où leur importance.
Ces mantras ont survécu aux rites védiques solennels pour se conserver dans le culte hindou orthodoxe quotidien et dans les « sacrements » (saṃskāra) des « deux-fois-nés ». On continue aussi d'en trouver dans nombre de rites religieux ou magiques où ils sont mêlés à des mantras plus récents, notamment tantriques, eux-mêmes parfois « védisés ». Les spéculations ultérieures sur les mantras renvoient souvent aux textes[...]
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Écrit par
- André PADOUX : directeur de recherche au C.N.R.S.
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