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MANTRA

L'hindouisme

Dans le brahmanisme, qui a suivi l'époque védique, et jusqu'à l'hindouisme (vers les débuts de l'ère chrétienne), les spéculations sur les mantras semblent relativement peu développées. Pourtant, dans les Brāhmaṇa et les Upaniṣad anciennes, la valeur symbolique de certaines syllabes est proclamée, comme l'est leur fonction cosmique. On les décrit aussi comme présentes dans le corps humain. On affirme ainsi que OṂ est l'essence de tous les Veda, ou qu'il est la Parole d'où naît le monde : « Ce son OṂ est tout cet univers », « cette syllabe est la réalité suprême. Quand on l'a comprise, tout ce qu'on désire, on l'a » (Katha Upaniṣad). Mais c'est plus tard, avec l'hindouisme puranique et tantrique (c'est-à-dire à partir du ive siècle environ), que les mantras, avec toutes les pratiques et spéculations rituelles, yoguiques et métaphysiques qui les accompagnent, se mettent à proliférer, cette efflorescence étant avant tout tantrique. Tous les rites à accomplir dans l'hindouisme, presque tous les actes quotidiens de la vie d'un hindou observant s'accompagnent en effet de mantras ; et cela est aussi visible dans l'Inde actuelle que ce dut l'être dans celle d'autrefois. « Du sein de sa mère à son bûcher funéraire, un hindou, littéralement, vit et meurt dans des mantras », écrivait un Indien au début du xxe siècle : cela reste généralement vrai.

Les textes tantriques soulignent le caractère d' énergie surnaturelle des mantras, dû à ce qu'ils sont des formes – parfois même la forme la plus haute – de l'énergie divine, la śakti, qui est Parole, vāc. Cette Parole première s'est révélée sous la forme de l'alphabet sanskrit. Or les mantras sont faits des phonèmes du sanskrit, langue divine de la Révélation. Ils sont donc tout-puissants. C'est ce qu'exprime la formule souvent répétée : « Tous les mantras sont faits de phonèmes, mais ceux-ci ont Śiva pour nature » : c'est le dieu qui les produit et les anime de sa force.

Dans leur essence, tous les mantras sont pure énergie de la Parole. Ils sont une parole divine et animée d'un mouvement tendant vers la divinité ; à ce titre, ils sont essentiellement salvateurs. Il n'est pas, dans le tantrisme, de moyen plus efficace de salut par l'union avec la divinité qu'un mantra. « Le mantra est conscience », cittaṃ mantraḥ, disent les Śivasūtra (ixe siècle). C'est-à-dire qu'il est à la fois l'absolue Conscience divine et ce par quoi l'usager prend conscience de cette suprême Réalité. « Il est, dit un commentaire, la pensée même de l'adorateur qui, par une fervente prise de conscience de la divinité du mantra, obtient de s'identifier à celle-ci. » De tels textes rattachent d'ailleurs le suffixe tra du mot mantra à la racine trai (« sauver ») : le mantra, pour eux, est une pensée qui délivre.

Toute divinité a un mantra qui en est la manifestation phonique, l'aspect créateur et l'essence : il est « ce qui exprime » (vācaka) et qui, à ce titre, suscite la divinité, qui est « à exprimer » (vācya). Cette dernière est ainsi d'une nature moins haute que son mantra. Un culte peut se faire sans représentation d'une déité ; il ne saurait se faire sans mantra. Ce qu'on vient de dire là n'exprime toutefois que la nature essentielle des mantras. En pratique, dans les rites, les mantras sont des formules à usages divers que l'adepte, l'officiant, le dévot utilise en les énonçant selon des règles précises. Sur ce plan empirique, leur nature est d'ordre linguistique et les textes distinguent bien ces deux plans – même si, dans un même rite, un mantra peut relever de l'un et de l'autre, puisqu'on le prononce tout en sachant qu'il est une forme de l'Absolu.[...]

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Mandala, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Mandala, E. Haas

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