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LARCENET MANU (1969- )

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Le désespoir

Conscient que dans Le Combat ordinaire il donnait une vision systématiquement bienveillante de l’humanité, Manu Larcenet va introduire une nouvelle rupture dans sonœuvre. Il se lance dans un récit de plus de huit cents planches, cette fois dépourvu de toute espérance, Blast, publié en quatre tomes, intitulés Grande Carcasse (2009), L’Apocalypse selon saint Jacky (2011), La Tête la première(2012) et Pourvu que les bouddhistes se trompent (2014).

Blast – mot qui désigne en anglais un effet de souffle – est le terme ici utilisé par le protagoniste, Polza Mancini, pour désigner l’état de béatitude et d’hyperconscience qui, de façon imprévisible, le saisit sporadiquement pendant quelques secondes – ce que l’auteur traduit graphiquement par des dessins enfantins en couleur, alors que le reste du récit est généralement constitué de lavis en noir et blanc.

La trame narrative repose sur la garde à vue de Polza Mancini, un ancien critique gastronomique qui, après la mort de son père, est devenu volontairement clochard. Soupçonné d’agression sur une jeune femme, il est interrogé par deux policiers, auxquels il raconte par le biais de divers retours en arrière des épisodes de sa vie. L’œuvre frappe par son originalité, son aspect à première vue rebutant (contrairement au Combat ordinaire), son hétérogénéité graphique (esthétisme de certains dessins représentant la nature, physique caricatural du personnage central, alternance de dessins en pleine page et de planches composées de cases juxtaposées). Le désespoir, outre qu’il est l’essence même de Polza Mancini, par ailleurs psychotique, asocial, obèse et ivrogne, finit par s’imposer comme le vrai thème de Blast.

Dessinateur prolifique, Manu Larcenet, tout en travaillant au Combat ordinaire,puis à Blast, publie d’autres bandes dessinées, comme la série Chez Francisque (quatre albums de 2006 à 2010), où, avec le scénariste Yan Lindingre, il fait la satire des conversations de bistrot. Il donne une version hilarante de Valérian, la série de science-fiction de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin (L’Armure du Jakolass, 2011), et illustre divers ouvrages comme le roman de Daniel Pennac Journal d’un corps (2013).

Après avoir mené à terme la publication de Blast, Manu Larcenet a d’abord dessiné deux albums tirés du roman de Philippe Claudel Le Rapport de Brodeck(2007) : LAutre (2015) et L’Indicible (2016). Il a ensuite adapté le récit postapocalyptique de Cormac McCarthy La Route (2006), en s’inspirant graphiquement de gravures anciennes – on pense parfois à Albrecht Dürer – et en n’ayant recours qu’à des teintes grises, parfois légèrement colorées. Paru en 2024, l’album a été unanimement salué par la critique comme une œuvre d’une qualité exceptionnelle.

— Dominique PETITFAUX

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