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FALLA MANUEL DE (1876-1946)

Contemporain et successeur du compositeur et pianiste Isaac Albéniz, Manuel de Falla développa et dépassa les découvertes de son compatriote. Mais son œuvre est le fruit d'une longue et difficile patience alimentée par un caractère tourmenté.

Depuis l'âge de trente ans, sinon depuis l'adolescence, sa vie fut une lutte constante entre la sensualité souveraine qui s'est épanchée dans L'Amour sorcier et l'austérité âpre et décharnée du Concerto pour clavecin. Une maladie vénérienne contractée à l'âge de trente-six ans provoqua en lui un combat qui devait le mener vers une forme d'ascétisme pétrifié, bienveillant pour autrui, trop sévère pour lui-même ; il vécut sa maladie comme un châtiment divin. Néanmoins, la musique d'Espagne se libéra, grâce à lui, des excès d'un folklorisme banal où elle était tombée pour atteindre le niveau déjà exceptionnel des dernières pièces d'Albéniz, puis se hausser jusqu'à celui où le xvie siècle l'avait placée. Dans le langage universel de Falla, l'élément traditionnel ou national, tout présent qu'il soit, n'est jamais déterminant mais déterminé.

Les années de formation

Élève de José Tragó

Quatrième enfant d'un commerçant originaire de Valence et d'une mère d'ascendance catalane, Manuel de Falla y Matheu est né à Cadix. Dès l'âge de huit ans, sa mère l'initie au piano. Plusieurs maîtres provinciaux plus ou moins obscurs lui succèdent. Ces études fragmentaires, non systématiques, accompagnent ses premiers concerts de pianiste, depuis ses douze ans. Des pages de cette époque, il ne reste que les titres : un Quatuor avec piano, une Mélodie pour violoncelle et piano, un Quintette.

À partir de 1890, il se rend régulièrement à Madrid pour travailler sous la direction de son premier vrai maître, José Tragó, l'un des meilleurs pianistes espagnols de l'époque. Initié ensuite à la compréhension de son art, Falla entreprend la transcription analytique de plusieurs partitions de Richard Wagner. Enfin, après cinq ans de concerts en province, il s'intègre peu à peu dans la capitale, au milieu musical espagnol.

De 1896 à 1898, il suit les cours du Conservatoire royal où professe son maître, lui-même disciple de Georges Mathias, professeur au Conservatoire de Paris et élève de Chopin. L'influence de Tragó fut décisive dans la formation de Falla. Il obtient un prix de piano. Les compositions de cette époque : Valse-Caprice, Nocturne, Sérénade andalouse, révèlent l'influence de Chopin et d'Albéniz.

Pedrell et « La Vie brève »

De 1900 à 1902, Falla acquiert une certaine notoriété par quelques zarzuelas où l'héritage italianisant de Francisco Barbieri est reçu à travers Ruperto Chapi, Andrés Bretón et Federico Chueca. La première, Los Amores de la Inés, est créée le 12 avril 1902 au Teatro Cómico. Vers le milieu de 1901, il rencontre Felipe Pedrell, avec qui il approfondit ses connaissances théoriques (instrumentation, orchestration, etc.) pendant trois ans. Dans une brochure célèbre, Pour notre musique (1891), Pedrell a prôné un retour aux sources nationales de la musique et l'assimilation à la tradition savante européenne dans un style original et authentique. Jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, Falla travaille sous sa direction, comme le firent auparavant, trop brièvement, Albéniz et Granados. Lorsqu'en 1904 Pedrell quitte Madrid, son élève écrit laborieusement, en huit mois, La Vie brève (La Vida breve), résumé de tout son apprentissage. Cet opéra – drame lyrique dont on ne joue de nos jours que la danse du deuxième et dernier acte – reflète en partie une orientation que partagent les compositeurs français de l'époque. Mais elle est tout intuitive, car si à Paris on discute Claude Debussy, en Espagne on l'ignore.[...]

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