SAINT-GOBAIN MANUFACTURE DE
Manufacture royale (appartenant à des particuliers, mais recevant des subventions du roi). Colbert désirait ravir le monopole des glaces à la Sérénissime république de Venise. À prix d'or, il réussit à faire venir, malgré la surveillance dont ils étaient l'objet de la part des services d'espionnage fort bien organisés de la cité, quatre verriers de Murano, petite île de la lagune. Ils furent installés dans le faubourg Saint-Antoine et la manufacture vit le jour en 1665 sous le nom de Manufacture des glaces du faubourg Saint-Antoine. Cet établissement devait fabriquer « des glaces de miroir et autres ouvrages de cristal ». D'autres Vénitiens vinrent rejoindre les premiers. En 1666, le roi, accompagné de son frère et des princes, visita la manufacture et s'en trouva fort satisfait. Louis XIV, de 1667 à 1695, a acheté de grandes quantités de glaces, et Louis XV l'imitera plus tard ; car, si le grand succès des miroirs se situe au xviiie siècle, Versailles déjà illustrait magnifiquement la production de la nouvelle industrie française. En 1695, la Manufacture du faubourg Saint-Antoine fusionna avec la Manufacture royale des glaces de France (Saint-Gobain) puis avec celle de Tourlaville près de Cherbourg, dont elle utilisera les fours jusqu'en 1832. Saint-Gobain et Coucy lui fournirent tout le bois nécessaire et, lorsque les réserves des terres de la manufacture furent épuisées, au xviiie siècle, on fit appel au charbon anglais importé de Newcastle. Colbert interdit l'importation des glaces vénitiennes et l'exportation des sables de Creil et de Dieppe que l'on utilisait à l'étranger. On importa d'Espagne des cendres de varech. La terre nécessaire à la fabrication des fours venait de Bellièvre en Normandie.
Une compagnie par actions fut constituée, qui fit appel au public et surtout à la noblesse et au clergé, invités à participer sans déroger. Cependant, le premier conseil d'administration était entièrement bourgeois. Il comprenait trois conseillers-secrétaires du roi, c'est-à-dire des financiers prêtant de l'argent au roi : Pecquot, Ranchin, Du Noyer, ainsi qu'un receveur des finances de la généralité d'Alençon, Mignier. Ce petit groupe d'officiers de finance qui ne dédaigne pas d'investir dans l'industrie sera bientôt grossi des deux frères Poquelin, cousins de Molière, grands marchands parisiens de miroirs (qu'ils importaient auparavant de Venise), qui centralisaient le commerce des glaces pour tout le royaume de France. Grisés par le succès et encore inexpérimentés, ils commirent quelquefois des imprudences qui amenèrent de grosses difficultés. Le nouveau conseil de 1702 fut plus raisonnable et permit à la compagnie de survivre à des crises aussi graves que le système de Law et la Révolution. Il comprenait douze personnes : quatre banquiers, quatre officiers de finance, deux nobles, un seigneur vivant noblement sur sa terre et un magistrat fils d'officier de finance. La venue de banquiers genevois tempéra l'ardeur brouillonne des officiers de finance ; désormais, à la tête de l'entreprise, un directeur surveille la main-d'œuvre et essaye de régler les conflits sociaux, mais il a pour principal rôle de s'occuper de la fabrication. Il est aidé d'un caissier et d'un contrôleur qui visite aussi bien les marchandises que les logements des ouvriers, d'un inspecteur qui doit signaler les délits et les négligences. Les gentilshommes verriers qui prétendent avoir seuls le privilège de couper les glaces provoquent sans cesse des conflits, car ils se libèrent selon leur bon plaisir, pour aller à la chasse par exemple, et bloquent ainsi toute la production. L'entreprise comprend aussi des chapelains, des chirurgiens et des portiers. Les ouvriers sont des techniciens dont la formation peut durer près de dix ans. Les apprentis sont embauchés à quinze ans et soumis au régime[...]
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Écrit par
- Jean-Marie CONSTANT : maître assistant à l'université de Paris-IV
Classification
Autres références
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COLBERTISME
- Écrit par Jean IMBERT
- 4 814 mots
L'exemple le plus célèbre est celui du privilège exclusif accordé à la manufacture de miroirs, qui s'engage en retour à fabriquer des glaces sur le modèle de celles de Murano. Une première fabrique installée faubourg Saint-Antoine à Paris, avec un prêt et une subvention du roi, est bientôt suivie d'une... -
PATRIMOINE INDUSTRIEL (France)
- Écrit par Bruno CHANETZ et Laurent CHANETZ
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...ne pas dépendre de l'étranger pour l'embellissement de leurs palais sera à l'origine d'autres impulsions industrielles, dans le domaine des glaces avec Saint-Gobain ou celui de la porcelaine avec Sèvres. Afin de ravir à Venise le monopole des glaces, Colbert crée en 1665 la Manufacture des Glaces du ... -
VERRE ART DU
- Écrit par James BARRELET
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Il convient également de citer cette autre célébrité française de la glace polie que la manufacture royale des glaces de Saint-Gobain ravit d'abord à Venise au xviie siècle (glace soufflée), puis à Bernard Perrot verrier d'Orléans (glace coulée sur table, cf. verre, chap. 2), pour...