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MANUSCRITS Histoire

Le manuscrit médiéval

Jusqu'aux années 1470, au moment où l'imprimerie répandit les premières éditions des textes classiques et médiévaux, latins puis vernaculaires, le livre manuscrit assura seul la pérennité de la littérature occidentale. Définitivement devenu codex, le manuscrit médiéval ne diffère guère dans sa facture du livre moderne. En permettant les retours en arrière et les anticipations, en favorisant la lecture sélective en place de la lecture continue qu'implique l'usage même du volumen, il contribua à l'élaboration de structures mentales où le texte se dissocia peu à peu de la parole et de son rythme.

Le livre médiéval : forme et contenu

Matériellement, le format du manuscrit varie dans des proportions allant à peu près de nos petits in-folio à nos petits in-octavo. Mais les livres liturgiques les plus précieux, les légendiers ou les bibles destinés à la lecture publique et, plus tard (xiiie-xve s.), les volumes de luxe commandés par l'aristocratie laïque, objets de prestige voués à l'admiration plutôt qu'à la consultation, déploient des formats bien supérieurs : grands in-folio fastueux des romans de chevalerie, des traductions d'histoire antique (Tite-Live, Valère Maxime, Flavius Josèphe) à l'écriture calligraphiée, aux enluminures éclatantes, aux délicates grisailles mises en relief par le blanc poli de vastes marges. À l'inverse, les livres d'heures et de dévotion, les bibles de poche des prédicateurs des xiiie et xive siècles, mais aussi certains recueils lyriques du xve siècle, ont des dimensions beaucoup plus modestes et affichent à l'occasion des formes originales (cercle, cœur, fleur de lys, etc.).

Unité matérielle, le manuscrit médiéval ne constitue qu'exceptionnellement une unité intellectuelle. Toutes proportions gardées, rares, en effet, sont les spécimens qui ne contiennent qu'une œuvre ou un choix d'œuvres d'un unique auteur : Cité de Dieu de saint Augustin, Dialogues de saint Grégoire, Étymologies d'Isidore de Séville, traités et sermons de saint Bernard, sommes et disputes théologiques d'un saint Thomas ou d'un saint Bonaventure, Décret de Gratien, Miroirs encyclopédiques de Vincent de Beauvais (xiiie s.), ou encore cycles épiques et romanesques (Tristan, Lancelot), chansonniers, recueils de nouvelles (Décaméron). La diffusion par les auteurs eux-mêmes du corpus de leurs propres écrits est un phénomène tardif, lié au mécénat des milieux curiaux, puis à l'humanisme. Elle marque l'apparition d'un nouveau rapport de l'auteur à son œuvre, qui triomphera dans l'individualisme jaloux de la Renaissance. Due à des considérations économiques autant que pédagogiques (le parchemin et la copie, pour qui n'est pas son propre scribe, coûtent cher), la prédilection pour les anthologies – des florilèges monastiques des xie-xiie siècles aux rapiaria flamands et allemands de la Devotio moderna, en passant par les manuels de l'enseignement universitaire – explique la prédominance des manuscrits composites. Et si, par exemple, les recueils anglo-normands du xiie siècle, qui associent hagiographie, traités de comput permettant de déterminer chaque année les dates des fêtes mobiles de l'Église, lapidaires et bestiaires, tirent leur unité de leur finalité religieuse, au même titre que leurs homologues latins, la composition d'un bon nombre de volumes français de la seconde partie du Moyen Âge apparaît particulièrement hétéroclite. Une certaine cohérence est néanmoins décelable dans leur organisation, en ce sens que la littérature de pure fiction – épopées, romans en vers du xiie siècle, romans en prose du xiiie, dérimages (mise en prose d'un ouvrage en vers) du xve – comme, pour d'autres raisons, la poésie lyrique constituent un [...]

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : archiviste-paléolographe, docteur ès- lettres, directeur de recherche au C.N.R.S.
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section, sciences historiques et philologiques)

Classification

Médias

Livre d'Ésaïe, enluminure - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Livre d'Ésaïe, enluminure

Moine copiste, XV<sup>e</sup> siècle - crédits : AKG-images

Moine copiste, XVe siècle

Notation neumatique - crédits : AKG-images

Notation neumatique

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